Publiée le 08/02/2018

Les militaires enfin réparés comme les autres pour les affections causées par l’amiante

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On l’attendait depuis des années, et c’est enfin arrivé par l’article 134 de la loi de finances n°2017-1837 du 30 décembre 2017 pour 2018 ; les personnels du ministère des armées, et les militaires en particulier, ne sont plus en dehors du dispositif, érigé au fil des ans, pour la protection des personnes atteintes en milieu professionnel, du fait de l’amiante.

Cet article 134 se décompose en 4 parties

Sa première partie, vient modifier et compléter l’article 146 de la loi n°2015-1785 du 29 décembre 2015, de finances pour 2016.

Elle donne enfin aux militaires la possibilité de se voir octroyer l’allocation spécifique de cessation d’activité anticipée, lorsqu’ils sont atteints d’une maladie provoquée par l’amiante. Ces dispositions nouvelles seront prises en compte pour le calcul des retraites et un décret en Conseil d’État est prévu pour la concrétisation de ce premier point.

Elle précise, en outre, expressément, la possibilité de cumuler, sous certaines limites, ladite « allocation spécifique » avec une pension militaire d’invalidité (PMI).

Sa seconde partie, fait officiellement entrer la réparation des dégâts causés par l’amiante sur la santé dans le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), par présomption de surcroît, en venant :

Premièrement, ajouter un troisièmement à l’article L. 121-2 dudit code.
Le texte est clair, et il en résulte qu’une pension militaire d’invalidité (PMI) est accordée sous le régime de la présomption (L. 121-2 ou ex L. 3), dès lors qu’un militaire ayant été exposé à l’amiante (dans les conditions spécifiées par les tableaux), est atteint de l’une des maladies inscrites aux tableaux n°30 et 30 bis du code de la sécurité sociale (Cf. article D. 461-5 du code de la sécurité sociale). Ainsi, l’article L. 121-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre est, depuis le 1/01/2018, rédigé comme suit, du fait de cet ajout d’un 3°, prévu par l’article 134 :

Lorsque la preuve que l’infirmité ou l’aggravation résulte d’une des causes mentionnées à l’article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d’imputabilité au service bénéficie à l’intéressé à condition :
1° […]
2° […]
3° S’il s’agit d’une maladie provoquée par l’amiante qu’elle soit désignée par les tableaux de maladies professionnelles prévus à l’article L. 461-2 du code de la sécurité sociale et contractée par le militaire dans l’exercice ou à l’occasion du service dans les conditions mentionnées à ces mêmes tableaux.

Deuxièmement, préciser que cette présomption d’imputabilité liée à l’exposition professionnelle à l’amiante, vaut, quelle que soit la nature du service accompli : en temps de paix, en temps de guerre ou du fait de la participation du militaire à une OPEX.
Ceci alors que les 1° (consacré aux blessures) et 2° (consacré aux maladies) de l’article L.121-2 sont réservés aux militaires en service en temps de guerre, au cours d’une expédition déclarée campagne de guerre, ou en OPEX.

Sa troisième partie, abroge les articles 96 de la loi de finances n°2003-1312 du 30 décembre 2003 rectificative pour 2003 et, 157 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

L’article 96 précité concernait le droit à percevoir l’allocation spécifique de cessation anticipée d’activité, déjà prévu pour « les fonctionnaires et les agents non titulaires, exerçant ou ayant exercé certaines fonctions dans des établissements ou parties d’établissement de construction ou de réparation navales du ministère de la défense, atteints de certaines maladies professionnelles provoquées par l’amiante ».

L’article 157, également précité, concernait les mêmes personnes, atteintes de la même façon que ci-dessus, mais relevant du ministère chargé de la mer.

Sa quatrième partie, prévoit les modalités de calcul de l’allocation spécifique de cessation anticipée d’activité, attribuée au titre des atteintes provoquées par l’exposition à l’amiante, par le ministère des armées, aux fonctionnaires placés en disponibilité ou en position hors cadres, ainsi qu’aux ouvriers d’État.

Commentaire conclusif sur ce qui ne devrait être qu’un premier pas

Ces nouvelles dispositions, bienvenues, font que, désormais, tous les agents de l’État, en ceux compris les militaires, sont enfin placés à égalité avec les travailleurs du secteur privé, face aux dégâts causés par l’exposition à l’amiante. Espérons que cet article 134 de la loi de finances pour 2018, entré en vigueur le 1er janvier 2018, permettra des débats plus apaisés en cas d’atteinte en service d’un militaire par l’amiante, et la reconnaissance plus facile de son droit à pension, en tant que de besoin jusque devant les juridictions des pensions. 

Ce fut un long et difficile chemin, mais cet article 134 de la LF 2018 est, incontestablement, un premier pas

Il a très certainement été « provoqué » par les modifications apportées par l’article 10 de l’ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017, à la loi n°83-634 du 13 juillet 1983. C’est, en effet, à cette loi « portant droits et obligations des fonctionnaires » (fonctionnaires civils des administrations de l’État, des départements, des communes, des établissements publics, uniquement, et à l’exception des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l’ordre judiciaire), qu’a été ajouté un article 21 bis, créant, notamment, en son point IV une présomption d’imputabilité au service pour « toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau ». 

Avec les précisions et ajouts que:

« Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée par un tableau peut-être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu’elle est directement causée par l’exercice des fonctions. »

Et que:

« Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L461-1 et suivants de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu’elle est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et qu’elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État. »

La protection « maladie » instaurée en faveur des fonctionnaires civils va donc désormais très loin. Plus loin que celle accordée aux militaires ? Peut-être ! 

Telle est l’une des questions auxquelles on répondra, dans le cadre des annotations des articles L. 121-1 (ex L. 2) et L. 121-2 (ex L. 3) du CPMIVG.

Actualité rédigée par Véronique de Tienda-Jouhet le 08/02/2018 à 12h08