Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit la date à laquelle la pension aurait normalement pu être obtenue, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures.
Cet « ex L. 108 », qui doit donner lieu à un commentaire très juridique (car il n’y a pas moyen de faire autrement), constitue l’une des dispositions du CPMIVG qu’il est important de connaître et de savoir manier, puisqu’elle permet, en quelque sorte, de faire « rétroagir » la demande, jusqu’à quatre années en arrière, par le versement d’arrérages, dans les conditions qui vont être expliquées.
Sa rédaction dans le code refondu est sensiblement différente de celle de l'ex L. 108 :
La phrase : « ...déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension... », a été remplacée par : « déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit la date à laquelle la pension aurait pu être normalement obtenue... »
Après avoir rappelé le principe que les « demandes de pension sont recevables sans condition de délai », aux termes de l'article L. 151-1, il faut dire, d’emblée, que le code n'y apporte aucun démenti ou affaiblissement par cet article L. 151-3, car celui-ci n’a vocation qu’à limiter les conséquences d'une demande présentée postérieurement à la troisième année, suivant celle au cours de laquelle « la pension aurait pu être normalement obtenue » ; ce, en application du principe dit de sécurité juridique.
Le principe de l'imprescriptibilité de la demande de pension demeure, comme demeure aussi celui qui fait de la date de dépôt de la demande, celle de l'entrée en jouissance du droit à pension (L. 151-2), sauf que l’on permet, par ce texte, au créancier du droit n’ayant pas été demandé « à temps », c’est-à-dire dès le moment de sa naissance, de pouvoir dans les limites prévues par l’article, de rattraper en quelque sorte « le temps perdu », par le biais d’une perception limitée d’arrérages.
En d'autres termes, la date « d'entrée en jouissance normale de la pension », est celle de la demande, ce qui justifie pleinement que l'ancienne formulation ait été revue. La nouvelle rédaction a, donc, le mérite de supprimer une contradiction implicite en faisant état, non plus d'un événement précis, mais d'une possibilité non exercée. C’est beaucoup plus logique.
La prescription est la manière d'acquérir un droit, par une possession non interrompue ou, de voir disparaître un droit, par son non exercice.
La prescription est, donc, soit acquisitive, soit extinctive.
Au terme d'une période légalement déterminée, la personne se trouve investie d'un droit ou se trouve déchue de ce droit.
Or, le droit à pension peut être réclamé à tout moment et, en ce sens, il est dit « imprescriptible ».
Mais d'une manière générale, tout système juridique doit appliquer un principe de sécurité qui est inconciliable avec le risque de remise en cause permanente des situations qui peuvent avoir, elles-mêmes, créé des droits auxquels il ne saurait être porté atteinte à tout moment. Le droit, en quelque sorte, s'aligne sur le fait, en validant une situation, qu'elle soit née d'une action ou d'une inaction.
C'est pourquoi, il est nécessaire de limiter en tout domaine les effets de l'imprescriptibilité.
Dans la conception actuelle de la notion de prescription, le rapprochement avec la notion de forclusion apparaît évident : il s'agit, dans l'un et l'autre cas, de fixer un délai au terme duquel l'inaction produira des effets de droit.
En conséquence, si une demande de pension est recevable « sans condition de délai » (L. 151-1), les effets de ce principe n'en sont pas sans limites.
La pension est une créance à l'encontre de l'État, et, dès 1930, le rappel des arrérages de la pension a été limité à une période donnée, dont le point de départ a été modifié par diverses lois de finances. L'article L. 108 (devenu l'article L. 151-3, sous réserves de sa nouvelle formulation ci-dessus soulignée), remonte à la loi de finances du 29 novembre 1965.
En conséquence, la prescription de l'article L. 151-3 ne concerne que le droit au rappel des arrérages et, en aucun cas, le droit à pension.
Son application suppose :
Ses effets sont :
Fixer avec précision la date de dépôt d'une demande ne doit, en général, poser aucune difficulté et, sauf cas exceptionnel, tant l'administration que l'intéressé pourront en justifier.
Mais de quelle demande s'agit-il ?
Le texte précise « de liquidation ou de révision de pension », cela semble donc viser toutes les demandes sans exception (L. 121-1, L. 121-2 et suivants et, enfin L. 154-1).
Encore faut-il, pour pouvoir mettre en œuvre cette disposition qui concerne des « arrérages », que ladite demande ait été présentée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit la « date à laquelle la pension aurait pu être normalement obtenue... ».
Tout semble reposer sur « normalement ».
Ce qui est « normal », en matière de pension militaire d'invalidité, est :
L'ouverture du droit à pension aux militaires ou assimilés, leurs conjoints survivants, orphelins et ascendants et la jouissance de cette pension, à compter de la date de la demande, dès lors que sont remplies et admises – par décision administrative ou jugement – les conditions d'invalidité et d'imputabilité exigées par le code.
Dans les autres cas, les intéressés sont en possession d'un droit mais, ne l'ayant pas exercé, ils n'en jouissent pas.
Deux exemples vaudront mieux qu'une longue analyse.
Premier exemple : Un militaire, blessé de guerre, obtient droit à pension au taux de 85% pour une blessure. L'administration liquide, en 2011, ses droits à compter de la date de dépôt de la demande : en l’occurrence le 2 janvier 2010. En mars 2017, il prend conscience que, lors de la liquidation de cette pension, l'allocation aux grands invalides n°1 (cf. R. 131-1) lui a bien été accordée, mais qu’en revanche, le titre de pension est entièrement muet quant à l'allocation aux grands mutilés à laquelle il avait droit, dès l'origine, la blessure ayant été reçue en unité combattante (cf. L. 132-1). À la suite d'une nouvelle demande, le statut de grand mutilé et l'allocation y correspondant, lui sont reconnus.
A partir de quelle date peut-il prétendre aux arrérages de cette pension au taux de 85%, assortie du bénéfice de l'allocation aux grands mutilés (cf. R. 132-1, allocation n°17) ?
Normalement, il remplissait toutes les conditions à compter du 2 janvier 2010, date de sa demande initiale, mais il n'a pas fait valoir ce droit à ce moment-là et n'a pas contesté (dans le délai de recours de six mois), la décision prise par l’administration en 2011, liquidant ses droits sans bénéfice du « statut GM » (cf. L. 132-1). Il a attendu mars 2017, soit plus de sept ans, pour présenter cette réclamation auprès de l'administration, qui en a reconnu le bien fondé. Il ne peut rien invoquer pour justifier cette « négligence », si ce n'est une ignorance de la loi, mais c'est insuffisant puisque nul n'est censé l'ignorer et surtout l’administration n’est pas tenue de vous en informer (cf. arrêt CE n°170400 du 13/10/1997, souvent invoqué par l’administration en contentieux PMI, pour bien signifier que c’est au pensionné de connaître les règles du code et, non pas à elle, de bien savoir les appliquer !). Dans cette situation, l'intéressé percevra les arrérages afférents à, l'année en cours et aux trois années civiles antérieures, c'est à dire à compter de 1er janvier 2014.
Il est à noter qu'en pareil cas, ce n'est pas une forclusion qui est opposée, mais une limitation du rappel d'arrérages, à la période déterminée par l'article L. 151-3.
Deuxième exemple : Un militaire, pensionné au taux de 85%, décède le 2 janvier 2010. Sa veuve, croyant que la pension lui sera automatiquement liquidée, ne présente aucune demande et, c'est seulement en mars 2017, qu'elle s'adresse à l'administration, qui lui donnera satisfaction sur le principe, mais limitera le rappel d'arrérages à la date du 1er janvier 2014.
Normalement, le défunt étant titulaire d'une pension au taux de 85% et sa veuve, remplissant toutes les conditions requises, aurait dû percevoir cette pension à compter du lendemain du décès, soit le 3 janvier 2010. Son attente « injustifiée » aura pour conséquence, en application de l'article L. 151-3, de la priver des arrérages du 3 janvier 2010 au 31 décembre 2013.
Dans les deux cas, il existe une date à laquelle la pension aurait pu être normalement obtenue. En effet, dès le 2 janvier 2010, les conditions étaient remplies par les intéressés et il leur suffisait de présenter une demande de liquidation, pour jouir effectivement de leurs droits incontestables.
Cela n'est donc pas applicable à toutes les situations, ni à toutes les demandes de liquidation ou de révision. S'il en était autrement, l'article L. 151-1 n'aurait plus aucun sens, et l'article L. 151-3 deviendrait, le principe, et non plus l'exception.
Exemple : Une personne est blessée le 2 janvier 2010, elle présente une demande de pension le 3 mars 2017 et, obtient satisfaction. Cette pension aura pour point de départ le 3 mars 2017, les arrérages seront réglés à compter de cette même date et ne remonteront pas au 1er janvier 2014, bien que le fait générateur soit en date du 2 janvier 2010 et qu'elle aurait pu, dès le 3 janvier 2010 formuler sa demande.
Dans cette dernière espèce, manque l'élément essentiel qui est la reconnaissance du droit, préalablement à toute jouissance de celui-ci.
C'est là une condition essentielle à l'application de l'article L. 151-3. Il est hors de doute que le pensionné ne saurait supporter des lenteurs administratives, des omissions d'instruction de demandes, ou tout autre fait imputable au service des pensions. D'une manière générale, si le retard n'incombe pas au pensionné ou postulant à pension, rien ne permet de faire application de ce texte (pour en savoir plus : conclusions du commissaire du gouvernement M. Dutheillet de Lamothe d’octobre 1983), et la rétroactivité du droit sera sans limite, ce qui sera d’ailleurs indiqué sur le titre de pension délivré (cf. L. 151-6).
Ainsi, le « fait personnel du pensionné » a été notamment retenu dans les cas suivants :
À l’inverse, la jurisprudence a pu exclure l'application de la prescription (i.e. la limitation des arrérages), dans les cas suivants :
Il n'existe pas non plus de retard imputable au fait personnel du pensionné, quand il s'est heurté à un cas de force majeure, ou assimilé. Ainsi en est-il, du résistant pendant la période de clandestinité ou, du prisonnier évadé pendant la période d'occupation. Il faut, donc, et il suffit, que l'inaction soit justifiée par un motif légitime.
Reste l'hypothèse d'une modification légale permettant la reconnaissance d'un droit jusqu'alors rejeté. Par définition, la loi n'a d'effet que pour l'avenir et, le principe de non rétroactivité s'oppose à ce que le point de départ du droit à pension soit reconnu avant la date d'entrée en application de la loi, sauf dans les cas où, pour des raisons diverses, la loi en dispose autrement.
Le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre édicte-il une règle différente de celle de la prescription quadriennale de droit commun, telle qu'elle résulte de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ?
Certes, « quadriennal » suppose quatre ans et, apparemment, le délai de rappel de trois années de l'article L. 151-3 semble donc inférieur. Mais il ne s'agit, en réalité, que d'une question de décompte de la période en cause.
En effet, la prescription quadriennale de la loi du 31 décembre 1968 concerne les créances publiques « qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis » (article 1 de la loi du 31 décembre 1968). Ce texte fait donc référence, au point de départ (ou date de naissance) de la créance, et non pas, à la date à laquelle l'action est introduite. En matière de pensions militaires, il s'agit de « la demande de liquidation ou de révision de pension déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année », c'est donc la date de la demande de liquidation ou de révision qui est prise en compte, ce qui impose un calcul inverse pour déterminer la date à laquelle se situerait le point de départ des arrérages. Le juste calcul est, en toute logique, de se projeter à la fin de l'année civile au cours de laquelle la demande a été présentée et d'en soustraire, en application de la prescription quadriennale, quatre années civiles ; ainsi, sera déterminée la date butoir, c'est à dire le 1er janvier de l'année ouvrant droit à la perception des arrérages.
Exemple : Le créancier de la pension présente une demande le 3 mars 2017. Pour calculer le délai de déchéance quadriennale, il faut se projetter virtuellement au 31 décembre 2017 et retrancher les quatre années civiles dont il disposait pour engager son action. Cela conduit à retenir le 31 décembre 2013 ; le point de départ de la prescription de la créance est, donc, le 1er janvier 2014 : le pensionné disposait, donc, d'un délai venant à échéance le 31 décembre 2017, date ultime pour engager son action.
Dans la même situation, mais au regard de l'article L. 151-3, le pensionné bénéficie des arrérages de l'année au cours de laquelle il a déposé sa demande et des trois années antérieures. Soit, les trois premiers mois de 2017 auxquels s'ajoutent 2016, 2015 et 2014, ce qui situe le début de la perception des arrérages au 1er janvier 2014.
Il n'existe, donc, pas de différence entre ces deux textes, en ce qui concerne le calcul de la période de rappel d'arrérages, contrairement à ce que l’on pourrait croire, à première lecture.
L'origine de l'erreur habituellement et généralement commise, est une confusion, entre le délai de trois années caractérisant la tardiveté de la demande à partir de la « date à laquelle la pension aurait pu être normalement obtenue », et la période de trois années d'arrérages. Il faut, donc, garder présent à l'esprit que le premier délai n'est pas une prescription, la demande demeure recevable même si elle est présentée vingt ans après la date à laquelle la pension aurait pu être normalement obtenue, alors que le second délai fixe une date extrême, en deçà de laquelle les arrérages échus ne sont pas réglés, et cette date est toujours et nécessairement un 1er janvier, premier jour de l'année civile en cause, elle est virtuelle et ne correspond qu'à une « vérité juridique », alors que la date d'acquisition des droits, au regard de la prescription quadriennale est le point de départ d'une véritable prescription extinctive.
En revanche, le délai d'action de trois années, prévu par l'article L. 151-3, est inférieur à celui prévu par l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui édicte :
« Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée, et aux quatre années précédentes ».
L'un et l'autre texte concernent la perception d'une pension et l'on peut être choqué qu'ils ne prévoient pas un même délai de prescription. Le Conseil d'État, saisi de la question, s'est prononcé par décision du 21 janvier 2015 (n°385343) :
« Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que les dispositions de l'article L 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ont pour objet de régir des situations différentes de celles régies par les dispositions invoquées du code des pensions civiles et militaires de retraite ou de la loi du 31 décembre 1968 ; que, dès lors, les règles de prescriptions prévues par l'article L 108 peuvent, sans méconnaître le principe d'égalité, être différentes de celles prévues, pour des situations différentes, par les dispositions invoquées ».
Force est de constater que la pension de retraite constitue un « revenu de remplacement » se substituant à l'activité professionnelle, au cours de laquelle la personne a cotisé, alors que la pension d'invalidité a, un caractère indemnitaire, en ce qu’elle répare un préjudice. La nature juridique des deux créances n'est, certes, pas la même, encore que, pour un grand blessé de guerre, la PMI ait toutes les caractéristiques d’un « revenu de remplacement ».
Faisons remarquer, aussi, que la prescription de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, celle de la loi du 31 décembre 1968, n'ont pas la même finalité. Si, en application de la prescription quadriennale, l'on qualifiait de « date à laquelle les droits ont été acquis » celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le postulant à pension de retraite, qui présente sa demande plus de quatre années civiles après cette date n'aurait droit à rien, sur l'ensemble de la période, de la même façon que ce serait le cas pour le postulant à pension d'invalidité militaire. Dans l'un et l'autre cas, il s'agit donc d'éviter pareille conséquence aux pensionnés, eu égard à la nature particulière de leur créance.
Il s'agit des arrérages normalement échus de la pension et, donc, d'un droit dont les personnes sont déjà en possession, sans en jouir. Mais, il ne s'agit que des arrérages et non de la reconnaissance de ce droit, de sa seule jouissance et non de sa possession.
Tout cela n'est au fond que l'illustration du vieil adage « aliments n'arréragent pas », tempéré, ici, dans sa rigueur et, atténué quant à ses conséquences.
Soulignons, en conclusion, qu’il conviendra de demander très tôt (dès l’introduction de l’instance contentieuse), le bénéfice de cette disposition, obligatoirement devant les juges du fond, car il ne s’agit pas « d’un moyen d’ordre public » (pouvant, lui, être soulevé à tout moment y compris devant le juge de cassation), ainsi que le Conseil d’État l’a jugé dans un arrêt n°276045 du 21 juin 2006.
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