Article L154-1

Code annoté des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre

En vigueur depuis le 01/01/2017

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Corps de l'article L154-1

Source dans l'ancien code : L29

Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée.

Cette demande est recevable sans condition de délai.

La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur.

Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée.

La pension définitive révisée est concédée à titre définitif.

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Fiche de jurisprudence

Commentaire

Article L. 154-1 (ex L. 29)

Préambule

Cet article concerne les conditions et modalités de révision d'une pension définitive, ainsi que ses conséquences. Cet « ex L. 29 », bien connu, constitue, incontestablement, l’un des articles « pilier » du CPMIVG, particulièrement délicat à manier et impliquant d’étudier successivement :

La notion d'aggravation ;
Les conditions de révision de la pension définitive ;
Les conséquences de la révision.

Précisons, d’emblée, qu’il n'est pas applicable aux pensions temporaires dont les règles de révision sont régies par les dispositions de l'article R. 154-1 (ex R. 27).

Il faut, également indiquer, dans le cadre de ce préambule, que la demande de révision d’une pension définitive (comme, d’ailleurs, d’une première demande), n’est enfermée dans aucun délai. Quelle que soit la date à laquelle l'infirmité (ou les infirmités) pensionnée présente une aggravation, la demande de révision est recevable ; il n'existe pas, en l'espèce, de prescription (cf. L. 151-1). C’est pourquoi, la concession « à titre définitif », doit s'entendre en ce sens que le droit à pension et le taux d'invalidité ne peuvent plus être remis en cause par l'administration (sauf l'exception prévue par l'article L. 154-4) ; le pensionné, en revanche, peut à tout moment invoquer une aggravation justifiant la révision (à la hausse uniquement), de la pension concédée.

A titre historique, il sera rappelé qu’initialement, il existait un délai de cinq ans suivant la première concession définitive, applicable aux demandes de révision pour aggravation des maladies (décret-loi du 20 janvier 1940) ; au-delà de ce délai, la demande était irrecevable. Cette situation apparut si injuste que la loi du 24 mai 1951 instaura le principe de l'absence de délai, quelle que soit la nature de l'infirmité. Il convient d'ajouter que la loi de finances pour 1991 (article 120) avait modifié l'article L. 29, en y introduisant la possibilité de réviser la pension concédée à titre définitif à un taux supérieur, ou inférieur, au taux primitif, ce qui ouvrait à l'administration le droit de minorer le taux de pension, voire de le supprimer. Ce texte a été abrogé par la loi du 30 décembre 1991 (article 124), pour revenir à la rédaction initiale de l'article L. 29.

I. La notion d'aggravation

De manière commune, l'on parle souvent et uniquement de « demande d'aggravation ». L'expression n'est pas erronée mais elle s'avère insuffisante, car la notion même d'aggravation recouvre des hypothèses factuelles et des réalités médicales diverses, que le droit analyse distinctement :

L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service.
Il s'agit ici de la recherche d'imputabilité de l'aggravation d'une infirmité étrangère au service, par un ou des faits de service, pour l’attribution d’une première pension au titre de cette affection. Les textes applicables sont les articles L. 121-1 ou L. 121-2 du CPMIVG (ex articles L. 2 et L. 3). L'article L. 154-1 ne traite, donc, pas de ce cas.
L'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles la pension définitive a été accordée.
Un pensionné considère que l'infirmité déjà indemnisée justifie un taux d'invalidité supérieur car elle est cause d'une gêne fonctionnelle plus importante retentissant, ou non, sur son état général. C'est ce que l'on qualifie classiquement « d'aggravation simple », et c’est l’hypothèse dans laquelle l’article L. 154-1 s’applique, sans hésitation, ni discussion.
L'aggravation (par complication médicale) de l'infirmité pensionnée, entraînant l’apparition d’une « infirmité nouvelle en relation ».
La situation est sensiblement différente de celle de l'aggravation simple. Il s'agit alors du pensionné qui présente des troubles distincts de l'infirmité initiale et de son évolution habituelle, mais en relation médicale étroite avec elle. C’est ce que l’administration qualifie « d’infirmité nouvelle en relation » (il faudrait ajouter médicale). L’article L. 154-1 s’applique, dans cette hypothèse.
L'aggravation par survenance d'une nouvelle infirmité :
Là, deux situations totalement distinctes peuvent se présenter :
- 1°) Le pensionné entend imputer une nouvelle infirmité à une infirmité (ou plusieurs infirmités) déjà reconnue, sans toutefois, que l’on puisse parler de « relation médicale » ; il ne s’agit donc pas d’une complication médicale.
- 2°) Le pensionné entend rattacher au service de nouvelles séquelles susceptibles d’ouvrir droit à pension. Il peut s’agir d’un fait de service nouveau, ou d’un fait de service ayant déjà donné lieu à l’ouverture d’un droit.
Ces deux situations ne sont pas constitutives d’une « aggravation » au sens de l’article L. 154-1. Il s'agit d'une demande de pension originelle, pour une infirmité à part entière, à laquelle s’appliqueront les articles L. 121-1 ou L. 121-2 du CPMIVG (ex articles L. 2 et L. 3). On parlera « d’infirmité nouvelle » (tout court), dans ce cas.

En résumé, seules l'aggravation simple et l'aggravation par complication médicale, entraînant l’apparition d’une « infirmité nouvelle en relation », constituent des « aggravations » au sens et au regard de l'article L. 154-1.

I-1. L'aggravation simple

La nature de l'infirmité n'est pas modifiée, mais l'invalidité en résultant s'est accrue. Ainsi en est-il du pensionné pour blessure d'une épaule qui souffre d'une gêne fonctionnelle plus invalidante.

En pareil cas, l'accentuation de la gêne fonctionnelle ou l'atteinte à l'état général, justifiera un nouveau taux d'invalidité, plus élevé. Le libellé de l'infirmité sera modifié, s'il y a lieu, en fonction des nouveaux éléments la composant. Ainsi, une « périarthrite chronique scapulohumérale droite » ayant justifié le taux de 25% en l'état d'un certain degré de limitation des mouvements, se trouvera portée à 35%, après constatation d’une aggravation sous la forme, par exemple, « d'une abolition des mouvements et d'une atrophie marquée », et le diagnostic sera modifié en ce sens, conformément au barème applicable.

I-2. La complication médicale

Il s'agit, ici, de lésions nouvelles qui viennent s'ajouter à l'infirmité initialement pensionnée, mais qui demeurent en relation médicale avec elle. LITTRE définit le terme « complication », ainsi qu'il suit : « affection qui survient pendant le cours d'une autre affection déjà déclarée. » LAROUSSE la définit : « phénomène morbide apparaissant au cours d'une maladie, distinct de ses manifestations habituelles, mais dépendant pourtant d'elle. »

Illustrons ces définitions par un exemple :

Un militaire pensionné au taux de 10% pour des « éclats d'obus de l'épaule droite », présentera une complication médicale si ces éclats, entraînent, au fil des années, une « périarthrite scapulohumérale droite », limitant certains mouvements. Il sera, alors, pensionné distinctement, pour l’affection originelle, et pour « l’infirmité nouvelle en relation » médicale, venue la compliquer au fil du temps.

I-3. La distinction entre aggravation simple et complication médicale

Si, la tentation est immense de s'en remettre à l'avis médical pour opérer la distinction entre « aggravation simple » et « complication médicale », cette position ne saurait se justifier au regard du code. Seule la référence au guide barème peut servir de critère. L'aggravation simple d'une infirmité suppose seulement que des « éléments nouveaux » viennent s'ajouter au diagnostic et compléter une infirmité unique, alors que la complication médicale suppose l'apparition d'une infirmité nouvelle à part entière (donc distincte, au sens du guide barème), en relation médicale et ayant son diagnostic propre.

Donnons un autre exemple, peut être plus éloquent :

Un pensionné pour des « séquelles de blessure du tibia droit » présente une aggravation justifiant une nouvelle intervention chirurgicale, entraînant un raccourcissement considérable rendant la marche impossible ; il s'agit là d'une aggravation simple de nature à entraîner une modification du diagnostic et justifiant le taux de 60%, néanmoins l'infirmité reste une infirmité unique en plusieurs éléments.

En revanche, si ce même pensionné invoque une « gonarthrose droite », liée à l'infirmité déjà indemnisée, il s'agira alors d'une infirmité à part entière car décrite au guide barème par un diagnostic propre, justifiant un taux précis au regard de la gêne fonctionnelle constatée ; cela permet de qualifier la gonarthrose droite de « complication médicale ».

I-4. La distinction entre, complication entraînant une « infirmité nouvelle en relation » médicale, et la notion d’infirmité nouvelle

La distinction est plus difficile à établir, alors qu’elle est essentielle puisque, dans le premier cas, c’est l’article L. 154-1 qui s’applique, tandis que, dans le second, ce sont les articles L. 121-1 ou L. 121-2. Mais, au stade de la demande de révision de pension, il n'est nul besoin de procéder à une quelconque qualification juridique de l'infirmité invoquée ; ce dont se chargera l’administration et qui pourra être discuté en cas de contentieux. Il conviendra alors, prudemment, dans le doute, d'invoquer l'ensemble de ces dispositions, dès la requête introductive d'instance. Rien n'interdit, en effet, de soutenir que l'infirmité pensionnée s'est aggravée, d'une part, et, d'autre part, qu’est apparue une infirmité nouvelle dont l’imputabilité doit être retenue.

Pour établir une distinction entre les deux notions, l'exemple du pensionné pour blessure de l'épaule peut être repris.

Supposons un pensionné pour « périarthrite chronique douloureuse », dont l'origine est une blessure de guerre par éclats d'obus. Des années plus tard, devant l'aggravation des algies, une intervention est décidée pour retirer ces éclats. L'acte chirurgical entraîne une infection gravissime, conduisant à l'amputation du bras. Est-on en présence d'une complication entraînant une « infirmité nouvelle en relation » médicale, ou d'une infirmité nouvelle ?

La cause de l'amputation n'est pas la périarthrite pensionnée, mais la présence d'éclats dont l'élimination imposée a conduit à l'infection. Sur le plan médical, il n'existe, donc, pas de relation directe entre l'infirmité pensionnée et l'amputation. En revanche, la présence d'éclats d’obus, résultant du fait de service initial, a rendu le geste chirurgical indispensable, et, en ce sens, l'amputation résulte de la blessure d'origine. Il s'agit donc d'une nouvelle « infirmité résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service » (L. 121-1) et, non, de « l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. » (L. 154- 1).

La jurisprudence est abondante à propos des domaines d'application respectifs des anciens articles L. 2 (L. 121-1), L. 3 (L. 121-2) et L. 29 (L. 154-1). On pourra prendre connaissance des décisions CSCP Ass. Plén. n° 16938 et n°16560 du 16 décembre 1963. Dans le même sens, la décision rendue le 7 mai 2003 (n°246441) en est une illustration : des coxalgies et des gonalgies ne constituent pas une aggravation de la scoliose pensionnée, mais des infirmités nouvelles, dont l'imputabilité au service doit être recherchée sur le terrain de l'article L. 121-1 (ex L. 2) ou L. 121-2 (ex L. 3) du code et, non, sur le fondement de l'article L. 154-1 (ex L. 29). Quatre décennies d'écart mais la solution de principe est toujours la même et totalement fondée.

Il faut donc insister sur le fait que la révision de pension fondée sur une complication entraînant une « infirmité nouvelle en relation » suppose que l'intéressé rapporte la preuve d'une relation médicale non seulement certaine et directe avec l'infirmité pensionnée, mais aussi déterminante ; c'est-à-dire qu’il démontre que « l'infirmité nouvelle en relation » a son origine dans l'infirmité antécédente, ce qui suppose au regard de la jurisprudence dominante que l'infirmité pensionnée ait participé pour plus de 50% dans la genèse de l'infirmité nouvelle (CE 8 octobre 2004 n°257095).

II. Les conditions de la révision

II-1. Les conditions de taux

Le minimum de 10 points exigé par le texte :

Les dispositions de l'article L. 154-1 exigent que le supplément d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités soit reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur pour qu’une « aggravation » puisse être retenue.

Ce texte reprend l'article L. 29 de l'ancienne codification, sauf pour ce qui est du 4^ème alinéa. La formule « est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur » a remplacé l’ancienne rédaction maladroite « est reconnu supérieur de 10% au moins du pourcentage antérieur ». Cela ne modifie en rien le sens du texte (dégagé de longue date par le Conseil d'État : CSCP Ass. Plén. n°20381 du 31/01/1969), tout en levant l’ambiguïté. Le taux d'invalidité doit s'être accru de 10 points et non pas de 10% du pourcentage déjà alloué ; la précédente rédaction permettait de croire qu'un taux d'invalidité définitif de 20% pouvait être révisé, dès qu'un supplément d'invalidité de 2% s'avérait justifié, alors que cette interprétation n'a jamais été retenue. Cette « mauvaise » rédaction a généré un contentieux important, ce d’autant que le Conseil d’État a mis du temps à énoncer clairement les choses (cf. CSCP n°32829 du 7 novembre 1985 ; CSCP n°39306 du 30 janvier 1998 ; CRP Besançon n°07/2010 du 27 mai 2010 ; CE n°287173 du 27 juin 2008 ; CSCP n°37454 du 7 octobre 1994…).

En application de cette règle exigeant un surcroît d’invalidité représentant au moins 10%, une pension définitive sera révisée dans deux cas, selon une jurisprudence constante (cf. CSCP n° 17638 du 26 mai 1967. Rec 230) :

soit l'une des infirmités s'est aggravée d'au moins 10%, peu important l'incidence sur le taux global (CE n°245952 du 7 mai 2003) ;
soit aucune des infirmités ne présente d'aggravation atteignant 10%, mais le calcul du taux global, tel que prévu par l'article L. 125-8, permet de constater une augmentation d'au moins 10%, par aggravation des infirmités déjà pensionnées, s’entend (cf. CSCP n°39390 du 10 mars 1998).

Nous illustrons cette deuxième hypothèse, plus difficile à manier, par les exemples qui suivent :

Supposons une demande révision portant sur une pension définitive composée de trois infirmités :

1^ère infirmité : « Séquelles d'entorse de la cheville droite »......... 20%
2^ème infirmité : « Baisse de l'acuité visuelle ».............................. 13% + 5
3^ème infirmité : « Séquelles d'entorse du genou droit »............... 10% + 10

Soit un taux global (calculé selon les règles de l'article L. 125-8) de : 20 + 14,4 + 13,12 = 47,52% arrondi à 50%.

Les expertises pratiquées conduisent à retenir 5% d'aggravation pour la 1^ère infirmité, 6,5% pour la 2^ème infirmité et 5% pour la troisième ; en conséquence, aucune des infirmités pensionnées à titre définitif ne remplit, à elle seule, les conditions de révision exigées par l'article L. 154-1, soit une augmentation de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Néanmoins, l'ensemble des infirmités conduit à retenir le taux global de 25 + 18,37 + 14,15 = 57,52% arrondi à 60%, après décompte en application de L. 125-8, de :

1^ère infirmité : « Séquelles d'entorse de la cheville droite »........ 25%
2^ème infirmité : « Baisse de l'acuité visuelle »............................. 19,5% + 5
3^ème infirmité : « Séquelles d'entorse du genou droit ».............. 15% + 10,

Le « pourcentage de l'ensemble des infirmités est donc reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur » et le droit à révision est donc ouvert.

Modifions l’exemple ci-dessus en fixant le taux d’invalidité de la première infirmité avant révision à 15%, et non plus 20% (les taux des deux autres affections, avant ou après révision, étant inchangés). Nous nous souvenons, qu’après expertise, cette première infirmité avait été considérée comme aggravée de 5%. Cette première affection atteignant désormais 20%, on appliquera les suffixes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 125-8 et l’on constatera qu’avec une simple aggravation de 5%, on obtient un taux global augmenté de 15% !

Pension avant demande de révision :

1^ère infirmité : « Séquelles d'entorse de la cheville droite »........ 15%
2^ème infirmité : « Baisse de l'acuité visuelle »............................. 13%
3^ème infirmité : « Séquelles d'entorse du genou droit ».............. 10%

Soit un taux global de : 15 + 11,05 + 7,39 = 33,43% arrondi à 35%

Une seule aggravation de 5% de la première infirmité, soit 20% au lieu de 15%, conduit à appliquer les suffixes suivants :

1^ère infirmité : « Séquelles d'entorse de la cheville droite »........ 20%
2^ème infirmité : « Baisse de l'acuité visuelle »............................. 13% + 5
3^ème infirmité : « Séquelles d'entorse du genou droit ».............. 10% + 10

Soit un taux global de 47,52 % arrondi à 50%.

C’est ainsi, donc, qu’une simple aggravation de 5% de la première infirmité a conduit à une augmentation du taux global de 15%.

Le minimum de 10% d'aggravation, prévu par le texte, s'applique, aussi, pour les troubles indemnisés sous la forme d’une « majoration » par le guide barème (L. 125-9). Ainsi, des « troubles trophiques », évalués à 5%, ne peuvent être pris en compte dès lors que le taux global, calculé dans les conditions de L. 125-8, ne s'est pas aggravé d'au moins 10% (CSCP 20 novembre 1987 n°33773).

Beaucoup plus contestables en droit et en fait sont les décisions de la Commission Spéciale de Cassation des Pensions, écartant le droit à révision pour le seul motif tiré d'un degré d'invalidité inférieur à 10%, alors que le nouveau taux ouvrait droit au bénéfice de l'article L. 125-10 (ex L. 16) et, donc, à des degrés de surpension (CSCP 15 septembre 1983 n°31026).

Dans cette espèce, l'intéressé était titulaire d'une pension au taux global arrondi de 100%, indemnisant plusieurs infirmités dont une « sclérose pulmonaire », évaluée à 95% ; cette infirmité s'aggravant, son taux justifiait 100% et, en conséquence, les autres infirmités pouvaient, désormais, ouvrir droit à l'application de l'article L. 16 (L. 125-10). Pourtant, le Conseil d'État a estimé que :

« Quels que soient les résultats auxquels conduisent les conditions de liquidation de la pension prévues notamment par l'article L. 16 du code, il est constant que l'invalidité résultant de la première infirmité de M. B ne s'est aggravée que de 5%, que la seconde infirmité à titre définitif est restée stationnaire à 30% ; que la troisième infirmité n'est pensionnée qu'à titre temporaire ; qu'ainsi l'augmentation de l'invalidité globale susceptible d'être retenue au regard de l'article L. 29 sus-rappelé n'a elle-même, de ce fait, pu excéder 5% ; que, dès lors, c'est par une exacte application de la loi que la cour régionale a, par l'arrêt attaqué, maintenu à 95% l'invalidité pour sclérose pulmonaire... ».

Cela est d'autant plus surprenant que, chaque « degré » de surpension représente, aux termes de l'article L. 125-10 (ex L. 16), 10% d'invalidité ; ainsi, la seconde infirmité (à supposer qu'il ne faille pas tenir compte de la troisième), justifiant alors trois degrés (puisqu’elle représentait 30% avant aggravation), le taux global était donc augmenté de plus de 10%. Ce que la CSCP qualifie de « résultats auxquels conduisent les conditions de liquidation de la pension prévues notamment par l'article L. 16 du code » n'est, en droit, que le calcul de l'invalidité globale résultant de l'ensemble des infirmités pensionnées, tel que visé par notre article. Il est, de plus, évident, que l'intéressé ne saurait bénéficier d'un taux de 105% pour « sclérose pulmonaire » ; à l'impossible nul n'est tenu.

La jurisprudence plus récente paraît d'ailleurs s'orienter en ce sens, en dérogeant à cette règle du minimum de 10 points, dans des situations particulières.

C'est notamment le cas du pensionné qui présente à la suite de la demande de révision pour aggravation une invalidité désormais totale. Ainsi, le fait qu'un taux de 93% ait déjà été alloué pour une infirmité oculaire, ne fait pas obstacle à ce qu'une « cécité pratique », résultant de l'aggravation de cette infirmité, soit reconnue au taux de 100%. Ici, c'est la notion d'invalidité absolue qui prévaut sur une application stricte de l'article L. 154-1 (CSCP Ass.Plén. 29 mars 1995. Rec. p. 487). Dans ce cas, l'aggravation est opérante, nonobstant le fait que, ni l'infirmité, ni le taux global, ne se sont aggravés d'au moins 10%.

Cette dernière décision, prise en Assemblée plénière, paraît donc constituer un revirement de jurisprudence, par rapport aux décisions antérieures (CSCP n°31026 du 15 septembre 1983, précitée et CSCP n°31281 du 30 mars 1984).

Il serait d'ailleurs logique d'étendre l'interprétation donnée par la décision du 29 mars 1995, à tous les cas de révision concernant des pensionnés à titre définitif, titulaires d'une pension au taux global de 95%, puisque, en pareil cas, ce taux ne saurait être révisé d'au moins 10%. Le calcul de l'article L. 125-8 des infirmités multiples laissant toujours et par définition subsister une validité restante, aussi infime soit-elle, il devrait être considéré, qu'une fois dépassé le taux de 95% du fait de l'aggravation d'une infirmité, fût-elle inférieure à 10%, les conditions de l'article L. 154-1 n'ont plus de signification pratique, puisqu'il ne saurait être question d'aller au-delà de l'invalidité totale (sauf les cas très particuliers des articles L. 125-10 et L. 125-11).

Enfin, dans l'appréciation de l'existence d'une aggravation d'au moins 10%, il ne saurait être tenu compte du taux attribué à une infirmité nouvelle : « Considérant que, saisie d'une demande de révision de pension concernant à la fois l'aggravation d'une infirmité [...] pensionnée au taux de 20% et l'indemnisation d'une infirmité nouvelle [...], la cour régionale ne pouvait accorder une majoration de pension, pour aggravation de l'infirmité ancienne que si le degré d'invalidité reconnu à ladite infirmité était supérieur de 10% au moins du pourcentage antérieur; que la cour qui a reconnu l'imputabilité au service de l'affection nouvelle, ne pouvait tenir compte du taux d'invalidité attribué à cette dernière infirmité pour reconnaître au sieur X, au titre de l'infirmité déjà pensionnée, droit à pension de 25%, c'est-à-dire à un degré supérieur seulement de 5% du taux antérieur ; » (CSCP n°22512 du 10 février 1971 ; dans le même sens : n°23115 du 28 février 1975, n°29650 du 2 juillet 1982...).

À quelle date faut-il se placer pour apprécier le taux d'invalidité de l'infirmité aggravée ?

La réponse qui semble s'imposer au regard de l'article L. 151-2 (ex L. 6), est : à la date de la demande.

Bien que ce principe soit rappelé de manière récurrente, sinon constante, deux exceptions paraissent devoir être retenues :

d'une part, aucune disposition du code n'interdit aux parties de convenir d'une autre date (par exemple, celle de l'expertise judiciaire), quand cela apparaît justifié par des raisons médicales ou de durée de la procédure. Encore faut-il que l'administration défenderesse l’accepte et conclue en ce sens et par écrit.
d'autre part, l'article L. 151-2 prévoit uniquement que « l'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ». Il ne traite, donc, pas de la date à laquelle se placer pour évaluer l'invalidité résultant de l'infirmité invoquée. En réalité, même refondu, le code est resté muet sur ce point essentiel, laissant encore à la jurisprudence, le soin de combler cette lacune qui continuera, donc, à nourrir un important contentieux. On renvoie sur ce point au commentaire effectué pour l’article L. 121-4.

S'il est donc exact d'affirmer que l'on ne doit pas tenir compte des aggravations ou des améliorations postérieures à la date de la demande, il est néanmoins manifeste que, dans certains cas, le principe ainsi dégagé doit être nuancé, notamment quand la gêne fonctionnelle et l'atteinte à l'état général varient sur des périodes très courtes de quelques jours, voire quelques semaines, entraînant une invalidité fluctuante qui ne saurait, cependant, être ignorée.

Saisi de cette difficulté, le Conseil d'État (n°254844, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 15 juin 2005), a jugé :

« Considérant qu'aux termes de l'article L. 26 du CPMIVG : Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons d'ordre médical et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et s'il y a lieu l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 6 du même code, le juge des pensions doit se placer à la date de la demande de pension pour apprécier le degré d'invalidité de l'infirmité invoquée ;
(…) la cour (…), après avoir relevé que les effets de cette affection étaient fluctuants et variaient de façon importante dans le temps, a jugé que seul leur état à la date de la demande pouvait être pris en considération ; qu'en statuant ainsi, alors que M. X était atteint, à la date de sa demande , d'une maladie faisant alterner périodes de crise et de rémission temporaire, la cour n'a pas, eu égard au caractère récurrent des phases de crise résultant de cette affection, fait une appréciation complète de l'atteinte à l'état général invoquée par le requérant et a entaché son arrêt d'une erreur de droit ».

II-2. Le supplément d'invalidité doit être en relation médicale directe et exclusive pour qu’une aggravation soit reconnue

Pour entraîner la révision de la pension, le supplément d'invalidité retenu doit être directement et exclusivement imputable aux blessures ou aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée, c’est pourquoi, sur ce point les décisions judiciaires devront être particulièrement motivées (CSCP n°40202 du 22 septembre 2000).

Cette exigence d’exclusivité impose de distinguer, à nouveau, le cas de l'aggravation simple et celui de la complication par survenance d’une « infirmité nouvelle en relation » médicale.

A- Dans le cas d’une aggravation simple

L'infirmité pensionnée n'a pas changé de nature mais l'invalidité en résultant s'est accrue. Si cette aggravation résulte d'une cause indépendante de l'infirmité, il n'en sera pas tenu compte ; le principe posé est évident, le nouveau pourcentage d'invalidité ne peut être imputé à l'évolution de l'infirmité pensionnée, puisqu'il lui est totalement étranger.

Mais que penser lorsqu'une infirmité pensionnée s'aggrave avec le vieillissement naturel de l'organisme ? Faut-il alors distinguer une part imputable au service et une part étrangère résultant du vieillissement ? La réponse par la négative a été apportée de longue date par la jurisprudence.

Quand une pension est concédée du chef d'une infirmité causée par le service, refuser d'en revoir le taux au seul motif que le pensionné a vieilli et que le supplément d'invalidité est la conséquence de ce vieillissement, serait à tout le moins illogique. Les effets de l'âge sont inéluctables et concernent tous les individus ; a fortiori, ceux qui sont déjà atteints d'une certaine invalidité et qui ne peuvent en être que davantage affectés.

C'est pourquoi, le Conseil d'État a de longue date posé le principe suivant lequel, la pension doit réparer toutes les conséquences de l'infirmité imputable au service « telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique et que par voie de conséquence les juges du fond ne peuvent exclure de l'invalidité servant de base au calcul de la pension, la part de celle-ci constituant une aggravation due à l'âge, de l'invalidité primitive. » (CSCP Ass. plén. 4 juin 1969, Rec. 284).

C'est donc dans un sens restrictif que la notion de « supplément d'invalidité exclusivement imputable » a été interprétée. En ne considérant pas l'incidence des altérations physiques (voire même psychiques) dues à l'âge, comme constituant des éléments étrangers justifiant que soit écartée l'aggravation de l'infirmité pensionnée, la jurisprudence en limite, cependant, l'application à l'aggravation simple (CE 19 novembre 1947 commenté dans le code annoté Lavauzelle).

Il importe néanmoins de souligner que, si une maladie totalement étrangère à l'infirmité pensionnée est cause d'une aggravation de celle-ci, cette aggravation sera écartée, même si ladite maladie n'est qu'une conséquence du vieillissement.

Il n'est pas toujours aisé d'établir la distinction qui s'impose entre les effets retenus du vieillissement et ceux des maladies, qui sont exclus. Ainsi en est-il d'un certain nombre de troubles comme, par exemple, ceux affectant l'audition d'un pensionné pour « hypoacousie sono-traumatique ». Le contentieux qui s’est développé autour de cette affection justifie, d’ailleurs, la création d’un dossier spécial.

L'exigence d'une relation médicale exclusive entre l'infirmité pensionnée et le supplément d'invalidité s'apprécie, aussi, suivant la nature de l'infirmité en cause et, les critères d'évaluation, posés par l'article L. 151-6. Ainsi, les juges du fond ont pu retenir une aggravation de 10% de l'infirmité pensionnée « séquelles de tuberculose pulmonaire, asthénie physique s'accompagnant d'anxiété », et porter son taux de 40% à 50% en retenant que « ladite anxiété est alimentée par des souvenirs du service effectué en Algérie pendant les années 1958-1959, ainsi que par des épisodes ultérieurs et des événements affectifs douloureux et que des troubles névrotiques aggravés peuvent être rattachés à des troubles psychiques de guerre » et en déduire que « l'aggravation en cause était exclusivement imputable à l'infirmité pensionnée ainsi que l'exigent les dispositions de l'article L. 29 ». (CE 27 juin 2003 n°246189). Il est à souligner qu'il ne s'agit pas, ici, de l'imputabilité d'une infirmité nouvelle, mais bien d'une aggravation simple de l'infirmité pensionnée, par apparition d'un nouvel élément dépendant de l'anxiété déjà pensionnée.

B- Dans le cas d’une complication par survenance d’une infirmité en relation médicale

La notion même de relation médicale certaine, directe et exclusive avec l'infirmité pensionnée, peut être nuancée.

Elle exclut, en effet, la prise en considération de la relation simplement accidentelle. Le pensionné pour séquelles de blessure de l'épaule obtiendra l'indemnisation de la périarthrite scapulo-humérale, seulement si cette infirmité résulte directement de l'évolution des séquelles pensionnées. Si, en revanche, la périarthrite est causée par un accident postérieur et donc étranger au service, fût-il la conséquence de l’infirmité, la relation n'est plus médicale et devient seulement accidentelle.

En pareil cas, dans la recherche du lien de causalité, l'infirmité pensionnée n'intervient que comme un élément ayant provoqué le traumatisme, sans que cependant un lien médical direct puisse être établi. Le fait accidentel s'inscrit dans la chaîne de causalité et ce maillon nouveau constitue une rupture qui détruit le lien direct.

En revanche, il en serait autrement si l'accident en cause survenait par le fait du service ; dans ce cas, il ne s'agit plus d'une complication médicale de l'infirmité pensionnée, mais d'une infirmité nouvelle, voire d’un supplément d’invalidité, imputable à un nouveau fait de service, dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 ou L. 121-2.

Cette notion de relation médicale directe n'exclut pas seulement l'accident provoqué par une infirmité pensionnée mais, aussi, l'intervention d'une affection étrangère au service, dans la genèse de la complication.

En effet, l'article L. 154-1 impose un supplément d'invalidité « exclusivement imputable » aux infirmités pensionnées. Cette notion de relation exclusive sera, le plus souvent, appréciée par les juges du fond sur la base d'un rapport d'expertise judiciaire.

Quand une maladie étrangère au service intervient dans la chaîne de causalité et qu'il apparaît que le « supplément d'invalidité » résulte de l'infirmité imputable et d'une cause étrangère, que se passe-t-il ?

Ce qui a été dit supra retrouve, ici, toute son importance. Dans le cas de l'aggravation simple, les termes « supplément d'invalidité » peuvent, éventuellement, autoriser une ventilation entre, la part d'invalidité imputable à l'infirmité pensionnée et, celle résultant de l'affection étrangère ; dans le cas de la complication médicale, au contraire, pareille ventilation n'a pas sa place et c'est uniquement le caractère direct et exclusif de la relation médicale qui sera pris en considération.

Cela fait toute l’importance de la différence de qualification, qui n'est donc pas purement formelle. Dans la pratique, cette appréciation n'est pas aisée.

Dans une affaire jugée en Assemblée Plénière (21 juin 1967, n°18423, Rec. 270), le Conseil d'État interprète l'article L. 29 (L. 154-1) et la notion de « supplément d'invalidité exclusivement imputable aux blessures ou maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée » en ce sens que, « dans le cas où un organisme est atteint de deux affections médicalement distinctes dans leur étiologie, dont l'une seulement est imputable au service et a donné lieu à l'octroi d'une pension, l'aggravation de l'infirmité pensionnée peut ouvrir droit à révision si, entre autres conditions, la dissociation des infirmités et l'évaluation de l'aggravation de la seule affection pensionnée sont possibles ».

Cette analyse et cette jurisprudence ne paraissent pas remises en question par une décision postérieure (CSCP Ass. Plén. 29 avril 1970, n°20175) dans laquelle le Conseil d'État considère que « cette disposition doit être entendue en ce sens que le supplément d'invalidité à envisager est le supplément total, correspondant à l'ensemble de l'aggravation constatée et non à la fraction de ce supplément, telle qu'elle subsiste après déduction des parts imputables à des causes étrangères ».

En effet, dans le premier cas, il était possible de distinguer les deux infirmités en cause (trachome bilatéral pensionné et glaucome non imputable, « affections distinctes en leur nature, en leur origine et en leur évolution », ainsi que le souligne la CSCP), même si elles affectaient toutes les deux les yeux ; il s'agissait alors d'accorder, à chaque maladie, la part lui revenant dans la réduction de l'acuité visuelle de l'intéressé. Dans le second cas, il était très difficile de procéder à une telle distinction, au regard de la nature de l'infirmité pensionnée : algies et troubles vasomoteurs de la main droite (l'expert judiciaire retenait trois causes d'aggravation : phénomènes articulaires non imputables, état cardio-vasculaire non imputable et seulement un tiers en relation avec la mutilation de la main droite). L'intrication de ces multiples causes était donc à l'origine de l'aggravation de la gêne fonctionnelle, sans que l'on puisse déterminer avec certitude un supplément d'invalidité exclusivement imputable à l'infirmité pensionnée. Il s'agit donc de deux situations très différentes.

Certes la pension est destinée à réparer toutes les conséquences de l'infirmité imputable au service, mais elle ne peut tenir compte de l'aggravation de la gêne fonctionnelle résultant de causes étrangères (CSCP 9 avril 1986, n°32869).

Sur ce point concernant le caractère exclusif du lien, il existe une volumineuse jurisprudence, dont on ne fournit que quelques exemples : CSCP n°39790 du 15 février 1999 ; CSCP n°40321 du 28 juillet 2000…

III. Les conséquences de la révision

La révision du taux d'invalidité d'une infirmité à la suite d'une aggravation d'une ou plusieurs infirmités permet d'échapper à l'immutabilité des bases de liquidation, et d’invoquer, éventuellement : l'application d'un barème plus favorable, la dissociation de l'infirmité définitive, la rectification d'une erreur de droit commise antérieurement.

III-1. Les effets sur l'immutabilité des bases de liquidation

En principe, une pension définitive est immuable et notamment ses bases de liquidation ne sauraient être modifiées. Néanmoins, la révision pour aggravation a nécessairement des conséquences sur le diagnostic, les taux d'invalidité, le classement des infirmités...

Historiquement, une controverse qui a duré des décennies mettait en évidence deux thèses que le Conseil d'État retenait, alternativement, selon les cas :

L'article L. 29 (désormais L. 154-1) ne concerne et ne vise que le taux d'aggravation et la révision de la pension au regard de l'augmentation de ce taux, ou de l'intervention d'une complication médicale, constituant une nouvelle infirmité ;
Le principe du barème le plus favorable comme l'évolution de la législation et de la jurisprudence doivent permettre au pensionné de se prévaloir des dispositions existant à la date de la concession de pension.

Cette controverse est aujourd'hui dépassée. Il n'est plus douteux que la révision pour aggravation permet de remettre en cause les bases de liquidation de la pension, sans toutefois porter atteinte à l'imputabilité des infirmités, ni à leur indemnisation.

A. Le barème le plus favorable peut être invoqué ainsi que la dissociation d'une infirmité quand elle est légalement et médicalement justifiée.

Même en présence d'une concession définitive, l'article L. 154-1 (ex L. 29) permet, par dérogation, de se prévaloir d'un barème différent. Encore faut-il que le droit à révision soit acquis, c'est-à-dire l'aggravation d'au moins 10 points démontrée, sur la base du barème initialement appliqué. Ne peut être révisée que l'application du barème, à l'infirmité ainsi aggravée ; il ne saurait être question de remettre en cause toutes les infirmités qui ne sont pas concernées.

Ici encore, le principe est constamment rappelé (CSCP 7 janvier 1981 n°28121 ; CSCP 22 mai 1985 n°32412 ; CSCP 10 octobre 1986, n°32128 ; CSCP 26 mars 1987 n°32942 ; CSCP 17 octobre 1990, n°35076).

Les décisions sont multiples et sont toutes dans le même sens : faute d'établir une aggravation conforme aux dispositions de l'article L. 154-1 (ex L. 29), les bases de liquidation ne peuvent être remises en cause, tant en ce qui concerne l'application qui a été faite du barème, qu’en ce qui est du caractère unique ou multiple des infirmités pensionnées (CSCP 20 février 1981 n°28561 ; CSCP 22 juillet 1981 n°28604 ; CSCP 9 novembre 1988 n°33804).

Dans une décision plus récente (CE 1er février 2012 n°340978) le Conseil d'État le rappelle en ces termes :

« Cette disposition [L. 29] exige une aggravation réelle des blessures ou maladies susceptible d'être retenue au regard des exigences de l'article L. 29, et ne permet pas de remettre en cause, en l'absence d'aggravation effective, les bases de liquidation initiale ni en ce qui concerne le caractère des infirmités pensionnées ni en ce qui concerne l'application qui a été faite des barèmes lors de cette liquidation ». En l'espèce, la cour régionale avait fait application du barème de 1887 à une cicatrice de laparotomie pensionnée, sans retenir d'aggravation de l'infirmité justifiant l'application du barème le plus favorable.

En revanche, si l'aggravation est reconnue, la révision est alors possible.

Exemple : un pensionné pour « séquelles de traumatisme crânien, vertiges et céphalées, troubles de l'humeur et du caractère, troubles de la concentration », au taux de 25%, se voit reconnaître un taux de 35% pour cette même infirmité, compte tenu de l'aggravation des troubles de la concentration, avec apparition de troubles mnésiques. Il peut alors demander la dissociation de cette infirmité en application du décret du 17 mai 1974, en :

syndrome subjectif,
troubles de la personnalité,
atteintes des fonctions supérieures ;

à la condition, toutefois, que ces infirmités multiples, telles que prévues par le décret soient bien individualisées, et atteignent (chacune) le minimum indemnisable de 10% (cf. L. 125-6). Mais, rappelons-le, encore, il lui aura fallu, dans un premier temps, démontrer l'aggravation de l'infirmité tous éléments confondus.

B. Les erreurs de droit commises peuvent être rectifiées en cas de révision pour aggravation

La concession définitive a pu être opérée sur des bases juridiquement erronées. La révision pour aggravation permet de les rectifier, tant en ce qui concerne l'application du barème, que le classement des infirmités.

Néanmoins, quand une infirmité a été définitivement qualifiée de blessure ou de maladie, il n'est plus possible de revenir sur cette qualification, fût-ce à l'occasion d'une révision pour aggravation. Il en est de même pour le mode d'imputabilité et la part d'imputabilité définitivement rejetée. Les seules exceptions sont celles de l'article L. 154-4 et le cas particulier de la recherche du droit à l'allocation de grand mutilé (cf. commentaire article L. 132-1).

III-2. Les effets sur le caractère de la pension concédée

Il s'agit là de savoir si la nouvelle concession de pension demeure définitive ou devient temporaire.

La réponse est dans le texte même de l'article L. 154-1 : « la pension définitive révisée est concédée à titre définitif. »

Mais, il ne faut pas se méprendre sur la signification de ces dispositions.

Dans le cas d'une aggravation simple, seuls les taux d'invalidité et le diagnostic, ont été modifiés ; l'infirmité étant antérieurement définitive, il est logique qu'une nouvelle période de trois ans (ou de neuf ans, pour une maladie) ne soit pas imposée.

La même logique imposerait la même solution, pour la complication conduisant à la prise en compte d’une « infirmité nouvelle en relation » médicale, règle qui n’est que très rarement suivie.

Seule l'infirmité nouvelle au sens de l’article L. 121-1 justifie donc une concession à titre temporaire.

Conclusion

Au terme de ce très long commentaire, imposé par la complexité de l’article, retenons au moins :

Que seules l’aggravation simple (augmentation du taux d’invalidité) d’une infirmité déjà pensionnée et l’aggravation par complication médicale d’une infirmité déjà pensionnée (apparition d’une « infirmité nouvelle en relation » médicale, décrite distinctement au guide barème), sont concernées par cet article L. 154-1.
Qu’il faudra toujours que l’aggravation soit exclusivement imputable à une (ou plusieurs) infirmité déjà pensionnée.
Que « l’infirmité nouvelle en relation » médicale (complication), qui relève de cet article L. 154-1, ne doit pas être confondue avec l’infirmité nouvelle relevant des dispositions des articles L. 121-1 ou L. 121-2 et suivants.

Dans presque tous les cas la question se règle devant les juges du fond, dont l’appréciation est souveraine en la matière, sauf dénaturation des pièces du dossier ou non-respect des règles énoncées ci-dessus (cf. CE n°246197 du 7 mai 2003).

Indiquons que, sur un plan pratique les demandes de révision faites sur le fondement de cet article, répondent aux mêmes formalités, processus et règles d’instruction médico-administrative qu’une demande de PMI originelle (cf. R. 154-2 qui renvoie au chapitre premier du titre V, soit aux articles R. 151-1 et suivants s’il s’agit d’une demande présentée par un militaire, ou R. 152-1 et suivants, s’il s’agit d’une victime civile).

Afin de tenter de faciliter au maximum la compréhension de ce très important article L. 154-1, nous fournissons une fiche de jurisprudence.

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