Lorsque l'évaluation donnée pour une infirmité par l'un des barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 est inférieure à celle dont bénéficiait cette même infirmité d'après les lois et règlements antérieurs, l'estimation résultant de ces lois et règlements est appliquée et sert de base à la fixation de la pension.
Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 125-3, le taux d'invalidité d'une infirmité est déterminé en application des « dispositions d'un guide barème portant classification des infirmités d'après leur gravité ». L'article L. 125-5 pose le principe du caractère indicatif de ce guide barème, sauf amputations ou exérèse d'organe.
Ce guide barème est en réalité une compilation de plusieurs barèmes :
Ce dernier barème est modifié régulièrement par décrets, en fonction de l'évolution des connaissances médicales et des conséquences des conflits.
En général, les modifications apportées à un texte conduisent à considérer que les dispositions antérieures sont abrogées, mais ce principe général ne s'applique pas aux PMI en ce qui concerne les barèmes. En effet, la législation des pensions militaires d'invalidité est tout entière dominée par le principe « forfaitaire » dont la finalité est l'égalité des droits entre les victimes. Il serait donc inique que, pour la même infirmité, deux blessés ou deux malades se voient attribuer des taux d'invalidité différents. Quand on garde présent à l’esprit, le principe de totale égalité entre les pensionnés, on conçoit l’impossibilité d’ignorer un barème antérieur plus favorable, cela constituerait une discrimination condamnable.
Or, chronologiquement, les barèmes précités se sont succédés risquant, ainsi, de créer une certaine inégalité dans le traitement des pensionnés et leur indemnisation.
En effet, le barème de 1887, qui est en réalité une échelle de gravité, a été édicté pour l'application de deux lois des 11 et 18 avril 1831. Il comporte six classes et ne vise que 66 infirmités. Les infirmités des première et deuxième classes, sont évaluées à 100% ; celles des troisième et quatrième classes : 80 % ; celles de la cinquième classe 65% et celles de la sixième classe 60%.
Le barème de 1915 résulte du décret du 24 mars 1915 et est plus proche du barème de 1919, dans sa présentation du moins.
Le barème de 1919 a été pris par le décret du 29 mai 1919, pour l'application de la loi LUGOL du 31 mars 1919. Comme indiqué supra, de nombreux textes sont venus le modifier.
Ces trois barèmes et, seuls ces trois barèmes, sont applicables aux invalidités du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, à l'exclusion de tout autre.
La rédaction choisie pour cet article L. 125-6 a le mérite de poser clairement le principe suivant lequel aucune disposition de ces barèmes ne tombe en désuétude et le pensionné (ou postulant à pension) peut toujours se prévaloir de l'estimation la plus favorable prévue par « les lois et règlements antérieurs ».
Cela permet au pensionné d'invoquer en 2017, pour une infirmité donnée, un taux d'invalidité fixé, il y a 130 ans par le barème de 1887. L'on imagine la stupéfaction du médecin expert qui se voit confier une telle mission. Et que dire, quand on demande, en ce troisième millénaire, à un éminent professeur ORL, de pratiquer un examen acoumétrique dans les conditions du barème de 1915, pour savoir si on peut appliquer celui-ci concernant « la dureté des deux oreilles », en se référant uniquement à la voix haute et à la voix chuchotée !
Ainsi présenté, cela paraît relativement simple. Néanmoins, non seulement les règles qui régissent l'application de chacun de ces barèmes ne sont pas identiques mais, de plus, une distinction rigoureuse doit être faite entre diagnostics et taux d'invalidité.
Retenons, donc, qu’il n'est pas toujours simple de se prévaloir du « barème le plus favorable ». Notamment quand une infirmité est pensionnée à titre définitif sur la base d'un barème précis ; l'application de ce barème faisant partie intégrante des bases de liquidation, devenues elles aussi définitives, le pensionné désireux de bénéficier d’une disposition relevant d’un autre barème se heurte, alors, à l'immutabilité des bases de liquidation.
Cela signifie que, dans tous les cas, il y a lieu de rechercher si l'infirmité en cause correspond à la description qu'en donne le barème ; cela vaut aussi pour l'application du barème de 1919, car même dans ce dernier barème le caractère indicatif ne concerne que les pourcentages d'invalidité.
La portée de cette règle varie suivant que l'on se réfère au barème de 1887, 1915 ou 1919.
La loi du 11 avril 1831 n'indemnisait que les infirmités présentant un certain degré de gravité et résultant de faits de guerre ou de fatigues et accidents du service. Il fallait donc que ces infirmités fussent graves et incurables pour ouvrir droit à pension sans autres conditions. L'article 13 de cette loi édicte que :
« ouvrent un droit immédiat à la pension [...] la cécité, l'amputation ou la perte absolue de l'usage d'un ou plusieurs membres ».
Dans les autres cas, c'est à dire en présence d'infirmités d'une gravité moindre, le droit à pension était subordonné à l'impossibilité de servir et de pourvoir à sa subsistance pour les soldats et sous-officiers ; et pour les officiers, à l'impossibilité définitive de rester en activité.
Ce sont des circulaires et des instructions ministérielles qui sont à l'origine de cette échelle de gravité dite barème de 1887.
Pour résumer brièvement ce texte il sera précisé que, les cinq premières classes (sur les six que comporte l’échelle), visent les infirmités les plus graves, indemnisées aux taux de 100% à 65%, alors que la sixième classe indemnise, au taux de 60%, les conséquences de blessures et maladies entraînant une gêne fonctionnelle moins importante.
Il n'est pas sans intérêt d'observer que ces circulaires et instructions à l'origine de ce barème n'avaient initialement aucune valeur légale et ne s'imposaient, normalement, qu'à l'administration qui en était l'auteur ; postérieurement, l'article 65 de la loi du 31 mars 1919, modifié par la loi du 23 décembre 1919, a expressément fait référence aux « décisions ministérielles du 23 juillet 1887... » et aux pourcentages en résultant, donnant ainsi une valeur légale à ces circulaires.
Actuellement, le texte de l'article L. 125-6 vise « les lois et règlements antérieurs », le barème de 1887 ne résultant ni d'une loi ni d'un règlement, il ne serait donc pas concerné s'il n'y avait eu les lois de 1919 et les décrets postérieurs.
L'application du barème de 1887 suppose que l'infirmité invoquée corresponde exactement à la description qu'en donne ce barème.
Les exemples sont nombreux et ont donné lieu à une abondante jurisprudence.
Ainsi, l'infirmité N°31 (5ème classe du barème de 1887, au taux de 65%) est ainsi décrite :
« affection chronique de l'estomac consécutive à une maladie endémique des pays chauds, ou provenant d'un long séjour dans ces contrées ou des fatigues du service en campagne ».
Tous ces critères doivent être réunis, faute de quoi la maladie, si proche soit-elle de ce descriptif, sera exclue de l'application du barème. Une décision de la CSCP N° 38351 du 2 février 1996 a écarté l'application du barème de 1887 à des atteintes duodénales.
Par une décision en date du 11 février 1981 (N° 27282), la CSCP a censuré un arrêt qui appliquait le barème de 1887, 5ème classe, soit 65%, à une « hernie hiatale », alors que l'affection décrite au N°35 est « hernie ventrale volumineuse ou éventration sans cicatrices, consécutive à des ruptures musculaires étendues », car l'affection « ne correspond pas exactement aux mentions de ce barème qui, s'agissant de la description des infirmités pouvant ouvrir droit à pension, est impératif ».
Dans le même sens, la décision du 10 janvier 1986 (N°32770) rappelle que si « les juridictions des pensions peuvent faire bénéficier certains intéressés mentionnés à cet article (L. 12) des dispositions plus favorables d'un barème antérieur à celui prévu par l'article L. 9-1, elles sont alors liées par les mentions de celui des barèmes antérieurs auquel elles se réfèrent et, qui a un caractère impératif en ce qui concerne tant la description de l'infirmité que le pourcentage d'invalidité attribué à celle-ci ». Dans cette espèce, la Haute Assemblée censure l'arrêt qui avait appliqué le barème de 1887 (5ème classe N°28) « affection chronique du cœur et des gros vaisseaux provenant d'un traumatisme ou d'une maladie rhumatismale ou infection, contractée à l'occasion du service », alors que l'infirmité avait été retenue définitivement par preuve d'aggravation.
Il ne faut cependant pas exagérer la portée de cette règle. Si l’intéressé souffre d’une infirmité intitulée « ulcère évolutif du bulbe duodénal » pensionnée au taux de 50%, le diagnostic n’est apparemment pas le même, mais cette seule constatation est insuffisante à rejeter sa demande d’application du barème plus favorable de 1887. Cet « ulcère évolutif du bulbe duodénal » peut exister depuis trois décennies et se manifester par des accès et récidives itératives en dépit du traitement. La question de savoir si ces deux diagnostics sont « assimilables » peut être posée à un médecin expert qui précisera si la notion « d’ulcère évolutif » et celle de « récidives ulcéreuses » constituent ou non une affection chronique de l’estomac. Cette analyse peut être reproduite pour toutes les infirmités prévues au barème de 1887. Cet exemple, concernant l’ulcère chronique de l’estomac et son évaluation au regard du barème le plus favorable de 1887, a fait l’objet de circulaires des 11 août 1951 et 11 juillet 1956, qui ne sont pas toujours appliquées par l’administration.
D'autres cas, nombreux pourraient être cités.
La « brèche osseuse » mentionnée en 5ème classe sous le N° 17 et donc indemnisée au taux de 65%, ne comporte aucune précision de dimension (contrairement aux autres barèmes) ; il faut et il suffit, donc, qu'elle constitue une « cicatrice étendue et profonde du crâne, avec perte de substance du péricrâne et des os dans toute leur épaisseur, provenant d'un traumatisme ou d'une opération ». Dès lors que la victime présente une telle infirmité, ce barème est donc plus favorable que ceux de 1915 ou 1919, sans qu'il soit besoin d'ajouter quelque autre condition, puisqu'il s'agit d'une infirmité de la 5ème classe.
Dans le même sens, « l'ablation du pouce avec ou sans enlèvement simultané de son métacarpien », justifie un taux de 65% (N° 64, 5ème classe du barème de 1887). Ce taux est très nettement supérieur à ceux que prévoient les barèmes de 1915 et 1919.
Dans tous les cas, l’important est de respecter le caractère impératif du diagnostic. Sans identité de diagnostic, ou assimilation médicalement justifiée, le barème de 1887 n’est pas applicable.
Enfin, l'application du barème de 1887, pour les infirmités relevant de la sixième classe, suppose que soient respectées les conditions posées par l'article 14 de la loi du 11 avril 1831 en vertu de laquelle a été établi le barème. Faute de réunir ces conditions précises, et notamment l'impossibilité de pourvoir à sa subsistance, ledit barème n'est pas applicable : il a, ainsi, été refusé à un retraité qui pouvait vaquer aux actes de la vie courante (CSCP 22 juin 1984 N°30807).
Cela ne concerne que les infirmités de la sixième classe.
Ainsi qu'on l’a vu, le barème de 1887 ne concerne que des infirmités d'une gravité certaine et à condition de remplir les conditions légales pour la 6ème classe. C'est pourquoi, s'inspirant du barème concernant les accidents du travail, les décrets du 13 février 1906 et 24 mars 1915 avaient été pris pour permettre d'indemniser -sous forme de gratifications de réforme- des blessures et des maladies qui, jusque-là, étaient ignorées. Ce barème créé huit catégories de gratifications (correspondant à des réductions de capacité de travail), égales à 10%, 20%, 30%, 40%, 50%, 60%, 80% et 100%.
Les diagnostics ou descriptions d’infirmités du barème dit de 1915 sont eux aussi impératifs.
Dès lors que la victime présente l'infirmité telle que décrite par ce barème, elle peut en demander l'application. Mais les libellés des infirmités concernées n'imposent plus ces notions de gravité, voire d'incurabilité, qui caractérisaient le barème de 1887. Il peut s'agir d'affections atteignant seulement le taux de 10%.
Ici encore, il appartiendra au médecin expert saisi d'une mission précise, de se prononcer sur les assimilations possibles.
Les cas où le barème de 1915 s'avère plus favorable sont très nombreux, mais leur application est également soumise à une stricte correspondance avec le libellé de l'infirmité prévue.
Ainsi, le barème de 1915 prévoit une infirmité intitulée : « bronchite chronique compliquée d'emphysème et d'affection du cœur non compensée ou d'accès d'asthme très fréquents, provenant des fatigues du service. Cette affection, empêchant tout travail physique pénible et continu et constituant, en outre, en raison des altérations viscérales multiples, une menace pour la vie du malade, entraîne l'incapacité permanente et totale : 100% ». Par une décision de la CSCP en date du 8 novembre 1988 (N° 34217) l'application de ce diagnostic a été rejetée faute d'établir qu'à la date de la demande, l'intéressé se trouvait dans l'impossibilité d'exercer tout travail physique pénible et continu...
La juridiction saisie se doit de préciser si toutes les conditions légales ainsi fixées sont remplies (CSCP 26 juillet 1982 N° 29747).
Dans une décision en date du 20 novembre 1996 (N°38907), la CSCP a retenu l'application du barème de 1915 à une « ankylose de l'épaule avec fixation de l'omoplate sans complication », écartant celle du barème de 1887 qui prévoit « l'ankylose complète de l'épaule », en raison des précisions apportées par le barème de 1915, quant au descriptif de l'infirmité.
La subtilité de l'analyse peut quelquefois surprendre mais elle est toujours justifiée par le caractère impératif du diagnostic.
Un pensionné souffrait de surdité d'une seule oreille, de bourdonnements et de vertiges. Le barème de 1915 prévoyant au taux de 30% une infirmité intitulée « surdité d'une seule oreille avec bourdonnements ou vertiges », il avait soutenu qu'il avait donc droit à pension pour deux infirmités : d'une part, « surdité d'une seule oreille avec bourdonnements » et, d'autre part, « vertiges ». La CSCP, par décision du 26 juin 1981 (N°28625) a censuré l'arrêt de cour qui lui avait donné satisfaction, considérant que, les vertiges ayant une origine auriculaire, ces deux infirmités n'en constituaient qu'une seule au regard du barème de 1915.
Ainsi, le diagnostic constitue un ensemble qui ne saurait être scindé mais doit être strictement respecté. Notons que dans le cas précédent, les vertiges auraient pu être pensionnés distinctement s'il s'était agi de vertiges causés par une lésion crânienne.
Ce barème a été de multiples fois modifié par des décrets postérieurs ; certains de ces textes sont venus le compléter favorablement, d'autres ont été à l'origine de dispositions moins avantageuses, tant en ce qui concerne la description des éléments de l'infirmité, qu’en ce qui concerne son évaluation.
La question se posait de savoir si, les dispositions antérieures du barème de 1919, demeuraient applicables suivant le principe du « barème le plus favorable ». La rédaction actuelle de l'article L. 125-6 ne laisse plus de doute : puisqu’il s'agit, dans tous les cas, de « règlements antérieurs », ils ne tombent donc pas en désuétude, et le pensionné peut continuer à s'en prévaloir. Cette solution avait d'ailleurs été consacrée par la doctrine et la jurisprudence en l'état des termes très généraux de l'article L. 12. Au demeurant, il serait contraire au principe d'égalité et totalement inique d'indemniser différemment les mêmes infirmités, suivant la date de concession de la pension.
Le barème de 1919, indicatif (sauf amputations et exérèses) pour les taux d’invalidité qu’il préconise, demeure impératif, en ce qui concerne le diagnostic des infirmités qu'il prévoit.
Le caractère impératif des diagnostics du barème de 1919 signifie qu’il n’est pas possible de grouper en une infirmité unique composée de plusieurs éléments, des infirmités qui sont prévues distinctement au barème. De même, il n’est pas possible de scinder en infirmités multiples, une infirmité prévue sous un diagnostic unique au barème.
Exemples :
Le Conseil d'État a toujours veillé à l'application stricte de ce principe :
« Si la question de savoir si plusieurs éléments d’invalidité constatés constituent une infirmité unique ou des infirmités multiples dont l’évaluation est faite conformément à l’article L. 14 du Code, est une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, cette règle ne saurait s’appliquer dans le cas où une disposition du guide barème prévu à l’article L. 9, donne des éléments de l’invalidité une description telle que ceux-ci doivent être regardés comme constituant soit une infirmité unique soit des infirmités multiples » (arrêts CSCP : N° 33382 du 5 février 1988, N° 32185 du 29 novembre 1985, N° 33477 du 24 juillet 1987…).
Le critère tiré des dispositions du guide barème sur l'unicité ou la pluralité d'infirmités a une importance évidente, qui sera plus amplement étudiée dans le cadre de l'article L. 125-7.
Invoquer une disposition ancienne du barème de 1919 modifié par un décret plus récent est toujours possible, à condition de remplir les conditions imposées par le descriptif de l'infirmité. Ainsi, le décret du 22 février 1929 prévoyait une indemnisation particulière de l'infirmité « aphasie », quand celle-ci est associée à une hémiplégie.
Le texte est le suivant :
« Aphasie (complète est exceptionnelle)
a) avec difficultés de l'élocution sans altération considérable du langage intérieur et sans déficit mental appréciable .................................10 à 30%
[...]
Si elle est associée à une hémiplégie on rajoutera au taux de l'hémiplégie un taux de 20% seulement ».
Postérieurement, le décret du 20 juillet 1954 a prévu un décompte de l'aphasie et de l'ensemble des troubles accessoires, séparément de l'hémiplégie ; cela peut être dans de nombreux cas moins favorable, et l'intéressé peut, donc, invoquer l'application des dispositions antérieures et le décompte en majoration prévu par le décret précité du 22 février 1929 (Cf. CSCP n°24.393 du 11 juillet 1975). L'hypothèse la plus évidente est celle tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 125-10 (ex L.16).
En pareil cas - et ils sont nombreux - la règle du barème le plus favorable aboutit à prendre en compte une infirmité précise « aphasie », sous une qualification particulière dite « majoration » et qui, exceptionnellement, - parce que le barème l'impose - viendra arithmétiquement s'ajouter au taux de l'infirmité « hémiplégie », pour atteindre 100%.
Il convient ici d'établir une distinction entre les barèmes antérieurs de 1887 et 1915, et celui de 1919.
Dès lors qu'une infirmité correspond à la description qu'en donne le barème de 1887, le taux prévu, suivant la classe de l'échelle de gravité, doit être appliqué sans aucune marge d'appréciation.
En conséquence, une infirmité telle que « ulcère ou cicatrice ulcérée, résultant de plaie et de grande perte de substance » prévue au N° 15 de la 5ème classe, devra se voir attribuer un taux de 65% ; il ne saurait être question, pour quelque motif que ce soit, de lui attribuer un taux d'invalidité supérieur ou inférieur.
A titre purement historique, il sera rappelé que le barème de 1887 résultant d'instructions ministérielles, les Ministres de la Guerre et de la Marine avaient apporté postérieurement, mais avant 1919, des modifications, considérant que certaines infirmités devaient figurer dans une classe différente. Ces mesures plus favorables n'ont pas été appliquées par le Conseil d'État qui a limité l'application de l'article 65 de la loi du 31 mars 1919 (c'est à dire le texte initial du barème), aux seules décisions ministérielles des 23 juillet 1887 et 28 novembre 1887 (arrêt du 3 février 1926, cité par le code annoté Lavauzelle édition de 1992, page 107).
Les taux d'invalidité prévus au barème de 1915 sont, eux aussi, impératifs, malgré la présentation initiale du texte, dont l'introduction au décret du 24 mars 1915 pourrait laisser penser le contraire :
« Le but de ce Guide-Barème des invalidités n'est pas d'imposer aux médecins experts une fixation absolue du taux d'invalidité de chaque lésion ou infirmité. Il ne doit porter atteinte, en aucune manière, à l'estimation que leur suggèrent à la fois leur science et leur conscience, où ils puiseront, comme par le passé, pour chaque cas d'espèce, les éléments de leurs propositions. Le barème est simplement destiné à servir de guide, comme l'indique son nom... »
Cela s'explique par le fait que, contrairement à l'échelle de gravité de 1887, le barème de 1915 ne fixe pas toujours un taux unique pour chaque infirmité, qu'il décrit, mais procède parfois à des évaluations s'inscrivant entre un minimum et un maximum ; en pareil cas ce sont ces minima et maxima qui sont impératifs, et l'appréciation du médecin expert ne saurait être en deçà ou au-delà.
Les bénéficiaires du barème le plus favorable seront donc soumis à cette même règle.
L'arrêt du Conseil d'État classiquement cité (Cf. code annoté Lavauzelle, édition de 1992 page 111) , du 17 juin 1953, en pose le principe :
« Lorsque le demandeur remplit les conditions exigées pour pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 65, aucune des infirmités ouvrant droit à pension, ne saurait, même s'il ne s'agit pas d'amputation ou d'une exérèse d'organe, être évalué à un pourcentage d'invalidité inférieur à celui qui est mentionné impérativement pour l'infirmité considérée par le plus avantageux des barèmes visés à l'article 65 »
A l'origine, l'évaluation d'une infirmité prévue au barème de 1919 ne pouvait, comme pour le barème de 1915, que s'inscrire entre le minimum et le maximum prévus par le texte. C'était uniquement en présence d'infirmités non prévues dans l'un quelconque des barèmes que l'appréciation demeurait totale, sous réserve d'en justifier par la gêne fonctionnelle et l'atteinte à l'état général.
Depuis la loi du 27 janvier 1942, seuls les taux prévus pour les amputations et exérèses d'organe demeurent impératifs (art. L. 125-5, ex L. 10), tous les autres pourcentages sont seulement indicatifs.
La souplesse d'application du barème de 1919 est donc, dans bien des cas, très favorable au pensionné. C'est une réalité qu'il ne faut perdre de vue, notamment quand on est en présence d'infirmités complexes ou comportant un grand nombre d'éléments dont aucun ne constitue une infirmité à part entière, nommément visée par l'un des barèmes.
La grande difficulté réside dans le fait que certains médecins experts connaissent mal le guide barème et ses modalités d'application. La tendance à appliquer le concours médical, voire le barème des accidents du travail, est navrante; c'est aux praticiens du droit, avocats et magistrats, de veiller à ce que les missions confiées aux experts soient très précises et renvoient clairement aux barèmes applicables aux PMI. Rappelons que depuis le 1/01/2017 le guide barème est annexé au code et qu’il n’y a donc plus de difficultés à se le procurer. Il reste que cette annexion (obtenue de haute lutte) a été peu soignée et qu’il y a lieu de faire défiler, sans repérages possibles ni index, les données, colligées dans ce qui s’appelle, dans le plan, « annexe 2 » et « annexe 2 (suite) » pour avoir une chance de trouver ce que l’on cherche…
Le « passage » d’un barème donné, à un autre barème, se heurte au principe de « l’immutabilité des bases de liquidation » quand la pension a été définitivement concédée. C’est pourquoi, il appartiendra au pensionné d’établir :
Ce n’est que dans ces conditions que le pensionné pourra se prévaloir d’un autre barème et entrer dans la discussion concernant le fond.
Le principe de la chose définitivement décidée, équipollent à celui de la chose jugée, ne permet pas de remettre en cause l'évaluation d'une infirmité définitive en présentant simplement une demande tendant à l'application d'une disposition légale ou réglementaire antérieure, accordant une évaluation supérieure.
Il faut alors justifier d'une aggravation de l'infirmité en cause au regard de l'article L. 154-1, permettant la révision de la pension quand le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur.
Une concession définitive ne peut donc être remise en cause pour la seule raison qu'une modification plus favorable du guide barème est intervenue, et, dans le même sens, le pensionné à titre définitif ne peut arguer de la seule violation du principe d'application du barème le plus favorable pour prétendre au barème de 1887 ou 1915, voire à telle disposition antérieure du barème de 1919. Ce n'est que par la procédure de révision pour aggravation qu'il peut y parvenir.
Prenons l'exemple d'un pensionné, à titre définitif, pour « bronchite chronique avec emphysème » au taux de 40% (suivant les critères du barème de 1919), cette affection étant imputable aux fatigues du service. S'il entend se prévaloir du barème de 1887, 5ème classe N° 29 « bronchite chronique, compliquée d'emphysème et d'affection du cœur ou d'accès d'asthme provenant des fatigues du service » il lui faudra, dans un premier temps, démontrer que l'infirmité pensionnée s'est aggravée (par exemple par l'existence de crises d'asthme fréquentes), justifiant une révision du taux d'au moins 10%, puis, établir qu'il réunit les conditions prévues par le descriptif de l'infirmité N°29. Il pourra alors prétendre à l'application du barème de 1887 et donc au taux de 65%.
En pratique, cela se résumerait à une mesure d'expertise à l'effet de se prononcer, d'une part, sur l'aggravation proprement dite, et, d'autre part, sur la concordance avec l'infirmité décrite au barème de 1887.
Ce n'est qu'au prix de ce processus que le pensionné se dégagera de l'immutabilité des bases de liquidation.
En revanche, s'il s'était agi d'une première concession de pension temporaire, il eût suffi de demander l'application du barème plus favorable de 1887.
D'autres aspects de cette question seront examinés dans le cadre de l'étude des articles L. 125-7 et L. 154-1.
Dans une décision bien connue du 30 juin 1965 (N°17012), le Conseil d'État a considéré que l'application de l'article L. 12 (devenu L. 125-6), « s'agissant du champ d'application d'une disposition législative impérative ne nécessitant pas une nouvelle appréciation de l'état des infirmités de l'intéressé et ne subordonnant pas son octroi à une demande particulière ni à une décision spéciale de l'administration qui a compétence liée en la matière, l'intéressé est recevable, à tout moment, et même en cassation, à invoquer la violation de loi découlant de la non application de cette disposition par l'administration ».
Les commentateurs ont pu en déduire que cette disposition est d'ordre public et ne nécessite pas de demande de l'intéressé, or tel n’est pas le cas : il faudra toujours une demande explicite. En effet, la décision précitée et d’autres ont été prises dans le cadre de litiges nés de la loi du 31 décembre 1953, entrée en vigueur le 1er mai 1954 aux termes de l'article 2 du décret d'application du 16 avril 1954, étendant aux victimes civiles le bénéfice du barème le plus favorable. Les victimes antérieurement pensionnées, se fondant sur ce texte, en ont sollicité l'application. La jurisprudence précitée est donc intervenue dans ce contexte particulier. Mais cela ne saurait signifier, qu'en cas de demande de pension postérieure, l'application du texte rétroagit à la date du 1er mai 1954, ni que l'administration est légalement tenue de prendre une décision de révision, sans être saisie d'une demande explicite. C'est, d'ailleurs, en ce sens que la jurisprudence postérieure s'est prononcée. La décision en date du 26 juillet 1982 (N° 29979) est très explicite :
« Considérant que d'après l'article L 6 du code [...] le point de départ de la pension est fixé à la date de la demande; qu'il résulte notamment tant de cette disposition que de l'ensemble des dispositions dudit code, d'une part que, lorsqu'une pension a été concédée, l'administration n'est légalement tenue, sauf disposition contraire, de prendre une décision de révision consistant en une augmentation du taux de cette pension, quels que soient les fondements juridiques et les raisons de cette révision, que si elle a été saisie d'une demande expresse de l'intéressé et, d'autre part, que le point de départ de la pension révisée doit être fixé à la date de cette demande ».
Il est donc plus prudent de solliciter l'application du barème le plus favorable dès la demande et, en cas de contentieux, d'en saisir le Tribunal dans la requête introductive d'instance.
L'application du droit au barème le plus favorable suppose une connaissance parfaite, non seulement des trois barèmes, mais aussi des textes modifiés au fil des décennies dans le barème de 1919. Ces textes anciens ne figurent pas toujours dans le guide barème (ils sont même rarement cités).
En effet, le guide barème est un ouvrage de compilation ; il se veut « pratique » en permettant d’avoir un aperçu des taux d’invalidité dans chacun des trois barèmes en vigueur. Mais il est aussi incomplet, tant en ce qui concerne les diagnostics, que les taux d’invalidité. En cas de doute, il est donc nécessaire de se référer aux textes initiaux de ces barèmes. Il suffit pour s'en convaincre, d'étudier le guide barème tel qu'il résulte de la rédaction correspondant au décret du 26 décembre 2016,
Le bon usage de l'article L. 125-6 impose aussi une parfaite connaissance des critères fondamentaux qui président à l'application de chaque barème.
Encore faut-il (une fois posé le problème de droit) que la mission impartie à l’expert désigné pour trancher (s’il y a lieu) le problème médical, soit très précise et comporte tous les éléments nécessaires à sa bonne exécution : rappel des diagnostics déjà portés, rappel des intitulés du ou des barèmes en cause, conduite à tenir pour procéder à la recherche de l’aggravation éventuelle, par rapport à quelle concession antérieure, en un mot tout ce qui permettra à la juridiction saisie de trancher le litige sur le plan technique et juridique.
Ajoutons que le principe du « barème le plus favorable » est aujourd'hui, applicable à tous les bénéficiaires du code : militaires « guerre » ou « hors guerre » et victimes civiles. Précisons même que les jeunes gens, dans le cadre de la formation prémilitaire en étaient exclus par l'article L. 166 de l'ancien code, mais que ce texte n'a pas été repris dans la nouvelle codification.
Enfin, les déportés et internés, prisonniers dans certains camps qui bénéficient de guides barèmes spécifiques, peuvent aussi prétendre à l'application de l'article L. 125-6, dans les conditions qui ont été exposées.
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