Article L125-11

Code annoté des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre

En vigueur depuis le 01/01/2017

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Corps de l'article L125-11

Source dans l'ancien code : L17

Par dérogation aux dispositions des articles L. 125-8, L. 125-9 et L. 125-10, le taux d'invalidité des grands mutilés de guerre définis à l'article L. 132-1 et des invalides définis à l'article L. 132-2, atteints d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne une invalidité de 100 %, est porté à 100 % avec majoration d'un degré tel que défini au premier alinéa de l'article L. 125-10, si, à la ou aux infirmités qui leur ouvrent droit à la qualité de grand mutilé ou aux allocations prévues pour les bénéficiaires de l'article L. 132-2, s'ajoute une autre infirmité remplissant les mêmes conditions d'origine et entraînant à elle seule un pourcentage d'invalidité au moins égal à 60 %. Toute infirmité ajoutée est ensuite décomptée conformément aux dispositions de l'article L. 125-10.

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Commentaire

Article L. 125-11 (ex L. 17)

Cet article instaure un régime particulier réservé aux seuls grands mutilés de guerre et invalides définis par les articles L. 132-1 et L. 132-2, permettant d’accéder directement, par la volonté du législateur et non par la voie d’un résultat mathématique, à un taux global minimum de 100% et 1°.

Présentation

À partir d'une disposition simple posée par l'article L. 125-8 (règle de Balthazard), le législateur, de dérogation en dérogation, a été conduit, dans un souci d'équité, à envisager tous les cas d'invalidité susceptibles de se présenter : infirmités entraînant des troubles surajoutés (L. 125-9), infirmités au-delà de l'invalidité totale (L. 125-10)... Restait alors à se pencher sur le sort des invalides présentant des infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité totale. Fallait-il s'en tenir au seul article L. 125-8 et donc au plafonnement à 100% ou, au contraire, dans les situations les plus graves, créer un mode dérogatoire d'indemnisation permettant à ces victimes de recevoir l'indemnisation que justifient, tant la nature ou les taux des infirmités présentées, que leur origine ? L'article L. 125-11 vient répondre à cette question en instituant le régime particulier réservé, sous conditions, aux seuls grands mutilés de guerre et invalides définis par les articles L. 132-1 et L. 132-2, qui va être analysé dans ce commentaire et qui aboutit, par convention et non par l’effet d’un calcul mathématique, à allouer directement un taux global de 100% + 1° aux bénéficiaires de ce texte.

Deux conditions doivent être réunies pour accéder, ainsi, aux degrés de surpension prévus par l’article L. 125-10 :

Présenter une infirmité susceptible d’ouvrir droit à la qualité de grand mutilé de guerre (L. 132-1) ou aux allocations telles qu’accordées aux grands mutilés (L. 132-2),
et que s’y ajoute une autre infirmité « remplissant les mêmes conditions d'origine », entraînant à elle seule un pourcentage d'invalidité d'au moins 60%.

Si cette double condition est remplie, alors le taux global de la pension est porté à 100% plus un degré auxquels s’ajouteront, éventuellement les taux des autres infirmités présentes, sous la forme de degrés, comme prévu par l'article L. 125-10 qui deviendra alors applicable, sans particularité, dès le deuxième degré.

Il est important de ne pas se méprendre sur la signification des termes « une autre infirmité remplissant les mêmes conditions d'origine », qui ne signifie pas que cette infirmité doit avoir été causée par le même fait, ou à la même date.

Cela signifie que l’infirmité qui doit s’ajouter à la première et qui doit, pour ce faire, atteindre un taux d’au moins 60%, doit aussi être imputable par preuve d'origine à une blessure de guerre ou une blessure en service commandé en temps de guerre, dans les conditions prévues par l’article L. 132-1 ; ou, encore, à une blessure ou maladie contractée par le fait ou à l'occasion du service, dans les conditions prévues par L. 132-2.

Il est important de préciser que cette infirmité supplémentaire devant représenter 60% d’invalidité ne peut être constituée d'éléments ayant déjà servi pour rendre applicables les dispositions de l’article L. 132-1 ou L. 132-2. Elle doit donc être distincte, mais peut résulter de l'infirmité (ou des infirmités) ayant ouvert droit au bénéfice des dispositions desdits articles L. 132-1 ou L. 132-2.

Ainsi, en présence d'une blessure crânienne avec épilepsie (infirmité nommément désignée) ayant aussi causé une atteinte de la fonction visuelle, il s'agira de deux infirmités ; si le taux justifié par la seconde est d'au moins 60%, le taux global sera de 100% + 1°.

La notion d'infirmités nommément désignées et les modes de calcul permettant d'atteindre les conditions de taux requises par les articles L. 132-1 et L. 132-2 ne seront pas réexaminées, ici ; il est donc renvoyé aux commentaires effectués pour ces articles.

En revanche, doivent être analysées les modalités d'application de l'article L. 125-11 aux différentes hypothèses qui peuvent se présenter.

En effet, ces dispositions s'inscrivent dans le cadre d'une évolution législative et jurisprudentielle qui, à partir de la loi du 22 mars 1935 (à l'origine du « statut » de grand mutilé), a abouti au droit positif actuel et posent notamment deux questions :

Cette « autre infirmité [...] entraînant à elle seule un pourcentage d'invalidité au moins égal à 60%... » peut-elle résulter d'un groupement de diverses infirmités remplissant les mêmes conditions d'origine ?
Dans l'affirmative, quel est le calcul applicable à ce groupement ?

I. Le groupement d'infirmités est possible pour constituer l'infirmité à 60%

L'article L. 125-11 ne fait état que d'une « autre infirmité », ce qui paraît exclure toute possibilité de groupement. Néanmoins, l'article R. 132-6 vise expressément l'article L. 125-11. Le groupement est donc possible pour atteindre le taux de 60%.

En réalité le texte de L. 125-11 ne fait que reprendre les dispositions du décret du 29 juillet 1938 (article R. 34-1 de l'ancienne codification du CPMIVG (désormais R. 132-6) qui visait, déjà, l'article L. 17) venu modifier les textes antérieurs. Ainsi, ce qui est analysé sous l'article R. 132-6 peut être repris intégralement, ici, puisque les possibilités de groupement sont les mêmes, sous les mêmes conditions.

La question s'était aussi posée de savoir si le taux de 60% résultant du groupement de plusieurs affections pouvait être pris en compte avec arrondissement du taux global calculé dans les conditions de l'article L. 14 (devenu L. 125-8) ou, au contraire, supposait d'être atteint avant arrondissement. Une circulaire ministérielle du 26 mai 1954 n°0328/C. S. clôt le débat, considérant que le taux de 60% peut être atteint par arrondissement, soit dès que le calcul permet d’atteindre 55,1%.

Exemple :

Outre l'infirmité (ou les infirmités) ouvrant droit à la qualité de grand mutilé (L. 131-1) ou aux allocations (L. 132-2), le pensionné présente :

des séquelles de fracture du tibia droit...................... 50%
des gonalgies droites...............................................… 10%

On sait que ces taux ne s'additionnent pas purement et simplement mais doivent être décomptés en validité restante suivant la règle de Balthazard (L. 125-8), soit :

séquelles de fracture du tibia droit............................... 50%
gonalgies droites........................................................... 10% + 5

Si la première infirmité reste inchangée (50%), la seconde, en revanche, ne vaut plus que 50 x 15% = 7,5%, en conséquence le total n'est que de 57, 5% et il est donc inférieur à 60%.

L'arrondissement étant admis, ce groupement atteint 60% et permet donc de bénéficier du taux global de 100% + 1° de l'article L. 125-11.

II. Les modalités de calcul du taux de 60% exigé pour l’infirmité devant obligatoirement s’ajouter à celle ayant ouvert le bénéfice de l’article L. 132-1 ou de l’article L. 132-2

Constituer une infirmité unique au taux de 60% ne se fait pas sans observer les règles fondamentales prévues par le code.

Les infirmités devront être classées par ordre décroissant et respecter les dispositions de l'article L. 125-8.

On rappelle, à cet égard que, dès lors que la première infirmité du groupement atteint au moins 20%, la seconde se verra attribuer le suffixe + 5 et, ainsi de suite, en fonction du rang.

Ces modalités ont été illustrées par l'exemple donné ci-dessus. Si la prise en compte d'une troisième infirmité avait été nécessaire pour atteindre le taux de 60%, elle eût pris le suffixe + 10, etc.

Une fois atteint le taux forfaitaire de 100% + 1°, les autres infirmités seront décomptées conformément aux dispositions de l'article L. 125-10, c'est à dire en degrés de surpension, par tranche de dix pour cent d'invalidité.

Exemple :

Groupement A permettant de constituer l’infirmité ouvrant droit au bénéfice de l’article L. 132-1 ou L. 132-2 :

1) Névrose traumatique................................... 50%
2) Troubles mnésiques.................................... 30% + 5
3) Hypoacousie................................................ 30% + 10

Soit : 50 + 17, 5 + 13 = 80,5 arrondis à 85% pour ce premier groupement (étant rappelé que le pensionné doit remplir les conditions exigées par les articles L. 132-1 ou L. 132-2 et que toutes ces infirmités siègent sur la tête).

Groupement B permettant de constituer l’infirmité supplémentaire atteignant 60% :

4) séquelles de fracture du tibia droit................ 50%
5) gonalgies droites............................................ 10% + 5

Bien qu'il s'agisse des infirmités 4 et 5, elles viennent constituer un autre groupement et prennent leurs places dans ce décompte conformément à l'article L. 125-8.

Soit 50 + 7,5 = 57,5 arrondis à 60% pour ce second groupe.

L'ensemble conduit à retenir 100% + 1°.

S'il existe d'autres infirmités (et peu importe alors leur origine), par exemple :

6) Périarthrite scapulo-humérale droite................ 20%
7) Raideurs du poignet droit.................................. 10%

L'article L. 125-10 s'applique à elles, normalement. Le calcul des degrés de surpension conduit à appliquer à la 6^ème infirmité le suffixe + 5 et à la 7^ème le suffixe + 10 :

6) Périarthrite scapulo-humérale droite.................. 20% + 5
7) Raideurs du poignet droit.................................... 10% + 10

C'est à dire 25 + 20 = 45 % soit, avec arrondissement, cinq degrés de surpension, qui, s'ajoutant aux 100% + 1° aboutissent à un taux global de 100% + 6°.

S'il n'y avait eu qu'une seule infirmité en degré de surpension, le suffixe + 5 n'aurait pas été applicable à cette infirmité (L. 125-8).

Cet exemple montre qu’Il faut garder présent à l'esprit que chaque groupe conserve son « autonomie » dans le décompte et le calcul du taux qui en résulte.

Conclusion sur cet article que l’on surnomme, parfois, le « 100% + 1° »

Pour bien appliquer cet article, il est nécessaire de maîtriser les règles exposées par les articles L. 125-8, L. 125-10 et R. 132-6, ce qui n’est pas si simple, il est vrai.

La maîtrise des dispositions de l’article L. 125-11 est d’une importance capitale pour permettre aux « blessés multiples », non atteints d’une infirmité à 100%, mais relevant des articles L. 132-1 ou L. 132-2, d’accéder quand même aux degrés de surpension.

Après avoir rappelé, ici, que le bénéfice des articles L. 132-1 ou L. 132-2 ouvre droit, en sus de la pension principale au minimum décomptée pour 100% et 1° comme prévu par cet article L. 125-11, aux allocations spéciales dites aux grands mutilés, prévues par l’article L. 132-3 et déclinées aux articles R. 132-1 à R. 132-3, soulignons, également que - l'article L. 125-11 renvoyant à l'article L. 125-10 - les pensionnés, en bénéficiant, se verront, aussi, attribuer l'allocation spéciale aux grands invalides n°5 de l'article R. 131-1 (réservée à ceux qui atteignent 100%), avec majoration de trois points par degré de surpension, au-delà du deuxième inclusivement.

Soulignons encore, pour terminer, que ce commentaire est indissociable de celui effectué pour l’article R. 132-6 dans lequel sont exposés dans le détail les mécanismes des groupements d’infirmités autorisés par le CPMIVG, s’agissant des seuls bénéficiaires des articles L. 132-1 et L. 132-2.

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