Article L141-2

Code annoté des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre

En vigueur depuis le 01/01/2017

Article précédent : Article L141-1 (ex L1 ter) Article suivant : Article L141-3 (ex L43)

Corps de l'article L141-2

Source dans l'ancien code : L43

Le droit à pension est ouvert au conjoint ou partenaire survivant mentionnés à l'article L. 141-1 :

Lorsque le militaire est décédé en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension ;
Lorsque le décès du militaire a été causé par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service, et ce, quel que soit le pourcentage d'invalidité éventuellement reconnu à l'ouvrant droit ;
Lorsque le décès du militaire résulte de maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, et ce, quel que soit le pourcentage d'invalidité éventuellement reconnu à l'ouvrant droit.

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Fiche de jurisprudence

Commentaire

Article L. 141-2 (ex L. 43 alinéas 1, 2, 3 et 4)

Après avoir posé, par l'article L. 141-1, le principe du droit à pension du conjoint survivant ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité d’un personnel militaire, le législateur énumère, ici, les cas d'ouverture de ce droit prenant en compte la situation du défunt.

L’article L. 141-3, qui le suit, pose quant à lui des conditions supplémentaires d’ouverture, tenant à la situation du couple que formaient le défunt et le survivant et l’article L. 141-4 pose deux exceptions aux règles énoncées par le précédent.

Leur étude ne peut donc être dissociée et le conjoint ou partenaire survivant doit les étudier l’un après l’autre, pour considérer ses droits éventuels.

La rédaction de l’ancien article L. 43, aux alinéas multiples, le rendait difficilement lisible. Depuis 1919, les textes successifs concernant le droit à pension du conjoint survivant (loi du 23 mars 1928 et loi du 31 décembre 1953, pour ne citer que les plus importantes) avaient conduit à l’allonger et le complexifier. Après refonte, le code entré en vigueur au 1^er janvier 2017 reprend, pour ce qui concerne les conditions d’ouverture du droit à pension du conjoint ou partenaire survivant, le contenu de l’ancien L. 43 dans trois articles distincts : L. 141-2, L. 141-3 et L. 141-4, ensuite complétés par les articles L. 141-5 (ex L. 241), L. 141-6 (ex L. 45 alinéa 4) et L. 141-7 (ex L. 48 alinéas 1, 2, 4, et 5) .

Fallait-il vraiment aller aussi loin dans le découpage, d’autant qu’il faut ensuite se reporter aux articles L. 141-16, L. 141-17 et D. 141-5 pour connaître les règles afférentes au calcul du montant de la pension principale ?

De l’article L. 141-2, se dégagent deux situations précises ouvrant droit à pension :

la première est subordonnée à une condition tenant au taux d'invalidité du pensionné décédé, lequel doit être d’au minimum 60% ;
la seconde à la cause du décès, quel que soit le taux de la pension.

I - Le droit à pension, conséquence du taux d'invalidité

L'article L. 141-2, 1° accorde un droit à pension - dite jusqu'alors, mais très improprement, de « réversion » - au conjoint ou partenaire survivant du militaire (ou ancien militaire), qui jouissait d'une pension (ou était en possession de ce droit), correspondant à une invalidité d'au moins 60%.

Il importe peu que la pension allouée au défunt soit, définitive ou temporaire (cf. L. 121-8).

En conséquence, dans ce cas, le droit à pension dépend du taux d'invalidité attribué au militaire décédé (outre les conditions tenant à l'ancienneté de l'union et à la famille qui seront examinées dans les commentaires des articles L. 141-3 et L. 141-4, qui les exposent, séparément, depuis le découpage de l’ex article L. 43).

I.1- Le droit à pension du conjoint ou partenaire survivant d'un militaire jouissant d'une pension, correspondant à une invalidité d’au moins 60%

Il s'agit là de l'ancienne pension dite de « réversion », terme impropre s'il en est, puisque, le taux de pension alloué au survivant n'est en rien calculé sur celui du défunt. Contrairement au droit commun des pensions, il ne s'agit pas d'un demi taux (cf. D. 141-5). On l’appelle désormais la « pension au taux simple » (alors qu’il n’a rien de simple puisqu’il est égal aux deux tiers de la pension dite « au taux normal », qui est de 500 points d’indice pour le conjoint ou partenaire survivant d’un soldat, à la date de rédaction de ce commentaire). Mais nous ne nous étendrons pas, ici, sur ces questions de taux différents de pension, qui sont commentées sous les articles L. 141-16, L. 141-17 et D. 141-5). Ce qui importe, ici, c’est le taux d’invalidité plancher de 60% qui va déclencher le droit, si les conditions posées par les articles L. 141-3 ou L. 141-4 sont par ailleurs remplies, étant précisé que ce «taux simple» sera alors porté au «taux normal», quand le militaire décédé était titulaire d’une pension correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85%.

Dès lors, en effet, que le défunt (militaire, assimilé militaire ou ancien militaire) jouissait d’une PMI au taux d’au moins 60%, son conjoint ou partenaire survivant devra, immédiatement se reporter aux deux articles précités pour déterminer s’il peut, ou non prétendre à pension d’ayant cause. Indiquons, dès à présent, qu’en présence d’enfant(s) nés de l’union, la réponse sera oui. À défaut, ce sera moins évident, puisqu’il faudra remplir au moins l’une des conditions posées tenant à la date ou à la durée de l’union qui s’est trouvée rompue par le décès.

Ce texte ne s'applique qu'aux pensions concédées à un conjoint ou partenaire survivant d’un militaire et n'est pas applicable à ceux des victimes civiles, qui ne peuvent prétendre à pension qu’à compter d’un taux d’invalidité afférent à la PMI du défunt de 85%, au moins (cf. L. 143-2).

Signalons que cela a pu être cause de difficultés s'agissant de militaires appelés à l'activité en 1939, faits prisonniers et internés dans certains camps, titulaires du chef de cet internement du statut d'interné politique (victime civile), puis rapatriés et démobilisés. La législation particulière, applicable à leurs droits à pension au titre des infirmités contractées pendant l'internement, « ne saurait avoir pour conséquence de leur supprimer cette qualité de militaire » (en ce sens : CRP Aix en Provence 30 avril 1982).

I.2- La signification de l’expression « en possession de droits à pension »

Remarque liminaire :

Pour comprendre aisément ce qui suit, il est nécessaire de rappeler, sans vouloir entrer dans des subtilités infinies, que les termes « ayants droit » et « ayants cause » ne sont pas synonymes. Certes, aujourd'hui, ils sont souvent employés, indifféremment, mais cet usage est impropre et ne permet pas de se livrer à une analyse, exacte, des situations juridiques particulières qu'ils recouvrent respectivement.

Est « ayant droit », la personne qui est titulaire d'un droit par la volonté de la loi.
Est « ayant cause », la personne qui détient un droit d'une autre personne, appelée « auteur ».

Ainsi, c'est à tort que le code qualifie le conjoint ou partenaire survivant « d'ayant cause », et la même remarque s'impose pour les orphelins et les ascendants.

Certes, quand un enfant, un ascendant, un conjoint ou partenaire survivant exercent un droit hérité du défunt, c'est-à-dire de leur auteur, ils agissent en qualité « d'ayants cause », mais quand ils bénéficient d'un droit que la loi leur reconnaît en propre, ainsi que c’est le cas dans ce titre IV du livre I du CPMIVG, ils sont « ayants droit » et, c'est en cette qualité, qu'ils agissent.

Cette distinction est importante pour comprendre, dans chaque cas, la limite de l'action, sa nature et sa recevabilité. En effet, s'il n'y a pas de difficulté particulière quand le militaire décédé était effectivement titulaire, par arrêté ministériel définitif, d'une pension temporaire ou définitive au taux de 60%, il existe de multiples situations moins évidentes.

A- Une instance judiciaire a été engagée par le militaire avant son décès et concerne le taux de sa pension

Le survivant (conjoint ou partenaire) n'est pas seulement ayant droit, il est aussi ayant cause en matière de pensions, et, en cette qualité, il peut poursuivre l'instance déjà introduite et tenter de démontrer que le taux de 60% était justifié, à la date de la demande d'aggravation présentée par le défunt militaire.

Encore faut-il que le défunt ait saisi le tribunal de ce recours.

Que se passe-t-il s'il n'avait pas encore introduit d'instance contentieuse à la date de son décès ?

B- Au moment du décès, l'instance judiciaire n'a pas été engagée, mais les délais de recours contentieux, contre la décision consécutive à la demande du militaire, ne sont pas expirés

Ici encore, en sa qualité d'ayant cause, le survivant est recevable à attaquer la décision avant l'expiration du délai de recours. Il sera alors sursis à statuer sur la demande de pension fondée sur l'article L. 141-2, jusqu'à décision du tribunal. S'il obtient satisfaction, c'est-à-dire si le taux de 60% est finalement reconnu, il recueillera dans son patrimoine, d’une part, le droit au rappel d'arrérages de la pension depuis la date de la demande présentée par le militaire et, par ailleurs, droit à pension de conjoint ou partenaire survivant, depuis le lendemain du décès (cf. L. 153-1).

Et si la demande formulée par le militaire avant son décès n'avait fait l'objet d'aucune décision, quelles sont alors les possibilités offertes au survivant ?

C- Au moment du décès, aucune décision n'est intervenue sur la demande présentée par le militaire

Que le défunt ait présenté une demande initiale de pension ou une demande de révision ne modifie en rien cette situation, le survivant ayant cause est recevable à agir sur cette demande pendante et ses conséquences. Il pourra donc démontrer que le droit à pension au taux minimal requis de 60% doit être alloué et, en conséquence, qu'il a droit à pension sur le fondement de l'article L. 141-2.

Dans ces trois hypothèses, le sort réservé (qu'il soit administratif ou contentieux) à la demande présentée par le militaire conduit à considérer, qu'au moment de son décès, « il était bien en possession d'un droit à pension » au taux de 60%, même s'il n'en a jamais joui, puisque le droit à pension rétroagit à la date de dépôt de la demande (cf. L. 151-2).

Encore faut-il qu'il y ait eu une demande ?

D- En l'absence de demande du militaire, quelles sont les possibilités offertes au survivant ?

Il n'y en a aucune, sauf cas exceptionnels.

Le survivant ne peut se substituer au militaire défunt et introduire une demande initiale ou de révision, que celui-ci n'avait pas formulée de son vivant.

Le principe est très rigoureusement appliqué :

Ainsi, un militaire pensionné, au taux de 70% à titre temporaire, décède le 17 mars 1972. La commission de réforme, sur saisine de l'administration en vue de la conversion en pension définitive, lui reconnaît droit à pension au taux de 85% à compter du 12 juillet 1972. La cour avait estimé qu'il était donc mort en possession d'une invalidité égale à 85%. Le Conseil d'État a annulé cet arrêt, considérant que « par militaires morts en possession de droits à une pension d'au moins 85% il faut entendre ceux qui ont présenté une demande de pension ou de révision et dont le droit à une pension au moins égale à ce taux a été postérieurement reconnu, même s'ils n'ont pu en jouir avant leur décès » (CSCP 25 avril 1979, Rec. p 491).

Il s’agissait là d’une pension de veuve demandée au « taux normal » qui exige d’atteindre au moins 85% (cf. L. 141-16), mais la solution aurait été la même s'il s'était agi de la pension au « taux simple », exigeant le taux minimum de 60%. Cette distinction liée au taux de la pension est commentée sous l’article L. 141-16.

Dans un sens identique, l'on prendra connaissance de la décision CSCP n°28794 du 25 février 1981 : « il est interdit, faute d'une demande de révision présentée par le mari avant son décès, de rechercher en vue de parvenir au taux de réversion, quel était celui existant à la date du décès ».

La seule exception concerne l'incidence d'une loi nouvelle.

En effet, si le survivant n'est pas recevable à exercer le droit qui appartenait au défunt de présenter une demande de pension ou de remettre en cause le taux d'invalidité attribué précédemment, il peut, néanmoins, se prévaloir d'un texte intervenu entre la concession de pension et le décès, quand ce texte est de nature à attribuer un taux d'invalidité supérieur à celui qui a été alloué.

Dans ce cas, le survivant ne remet pas en cause l'appréciation médicale qui a été faite antérieurement, mais se substitue au défunt qui, bien qu'en possession de ce droit, a négligé d'en demander la jouissance. Le survivant ne fait qu'invoquer des dispositions découlant du champ d'application de la loi.

L'espèce la plus souvent citée est celle de l'intervention de la loi n°53-1340 du 31 décembre 1953 qui a étendu le champ d'application du barème le plus favorable (CSCP 3 mars 1965 n°17488. Rec. 140).

Si, en toute logique, l'intervention d'une loi nouvelle (dans les conditions précisées ci-dessus) permet de considérer que le défunt était en possession d'un droit à une pension supérieure à celle concédée, le même raisonnement doit être tenu en cas de modification du barème applicable pendant la même période. La notion de champ d'application de la loi devant s'entendre au sens large de : tout texte susceptible de créer un droit.

Exemple :
Un militaire est pensionné pour « Bronchite chronique. Insuffisance respiratoire grave », au taux de 50%, depuis juin 1994. Il décède en décembre 1999. Pourquoi sa veuve ne pourrait-elle pas se prévaloir de la réforme résultant du décret n°99-490 du 10 juin 1999 qui prévoit, en pareil cas, un taux de 60 à 90% (barème plus favorable) ?
Le défunt était en possession de ce droit et ne l'a pas exercé. Les termes de l'article L. 141-2 paraissent suffisamment larges pour qu'une pareille possibilité soit offerte au survivant.

Dans tous les cas, cette poursuite d'instance ne peut conduire à la reconnaissance du droit à pension propre et autonome du survivant ; il faut nécessairement qu'une demande, distincte, soit présentée par lui, concernant ce droit qui lui est propre (L. 152-1).

II - Le droit à pension subordonné à la cause du décès

Ce sont les alinéas 2 et 3 de l'article L. 141-2 qui sont ici concernés.

Ils imposent, tous deux, que le décès du militaire ait été causé par des blessures ou des maladies imputables au service (dans les conditions prévues par les articles L. 121-1 ou L. 121-2, L. 121-2-1, L. 121-2-2, L. 121-2-3). Il faut préciser que ce même texte est applicable aux victimes civiles (L. 143-2).

Il n'existe pas, ici, de conditions de taux d'invalidité. Peu importe le pourcentage d'invalidité, seules la ou les causes du décès et l'imputabilité au service sont déterminantes dans l'appréciation du droit à pension.

II.1- La cause du décès

Quand le militaire décède en service, les seules questions qui se posent rejoignent la problématique posée par les articles L. 121-1 et L. 121-2, L. 121-2-1, L. 121-2-2 et L. 121-2-3 : est-ce du fait du service ou à l'occasion du service ? N'existe-t-il pas une faute ou un fait détachable ? La présomption bénéficie-t-elle au défunt ?...

Mais dans la plupart des cas, la cause du décès devra être recherchée, ainsi que sa relation avec le service.

Quand le militaire est déjà pensionné, c'est en termes de recherche de lien de causalité entre l'affection pensionnée et l'affection terminale que se poseront des questions souvent délicates à résoudre.

A- L'infirmité cause du décès n'était pas pensionnée

Il appartient au conjoint ou au partenaire survivant de démontrer l'imputabilité de l'affection terminale, suivant les règles classiques posées par le CPMIVG, pour les militaires et assimilés. Peu importe que le défunt ait négligé de son vivant de demander droit à pension.

Le conjoint ou le partenaire survivant est toujours recevable à démontrer que l'affection cause du décès est imputable au service (CSCP n°38482 du 13 mai 1997). Une cour régionale avait infirmé un jugement reconnaissant le droit à pension de veuve au taux normal, au seul motif que ce jugement méconnaissait l'autorité de la décision de rejet définitive rendue antérieurement sur la demande du mari. Le Conseil d'État a annulé cet arrêt car la veuve exerçant son droit propre ne peut se voir opposer la chose décidée à l'encontre de son défunt conjoint (CSCP n°25504 du 3 novembre 1976).

Il peut s'agir d'une infirmité imputable par preuve d'origine mais, aussi, par preuve ou présomption d'aggravation ; cela ouvrira droit à pension de conjoint survivant dès lors que l'aggravation imputable de l'infirmité, cause du décès, atteint le minimum indemnisable.

Nous rappelons que, dans l'hypothèse de la présomption, l'administration conserve la charge et la possibilité de rapporter la preuve contraire.

En conséquence, quand la filiation de soins est exigée, il appartient aux juges de se prononcer sur l'argumentaire développé par le ministre (CSCP n°29932 du 30 juin 1982).

Finalement, il n'y a rien qui distingue cette recherche d'imputabilité, du droit commun de l'imputabilité en matière de PMI.

B- L'infirmité cause du décès était déjà pensionnée

Apparemment, la situation est plus simple pour le survivant.

Un cas particulier (qui ne se produit que très rarement) doit être évoqué.

L'autorité de la chose décidée ou jugée ne peut être opposée qu'entre les mêmes parties, pour le même objet, et sur le même fondement juridique. Or, les droits du survivant sont distincts de ceux du pensionné et, en conséquence, rien n'interdit (en droit du moins) à l'administration de contester l'imputabilité d'une infirmité déjà pensionnée.

Corollaire de ce principe : le survivant peut invoquer l'imputabilité d'une infirmité qui avait été rejetée antérieurement du vivant du militaire, sans que celui-ci l'ait contestée (cf. supra).

Enfin, tout ce qui a été exposé concernant la qualité « d'ayant cause » du conjoint ou du partenaire survivant doit être ici repris. Si une demande présentée par le militaire est en cours d'instruction, si une instance contentieuse a été entamée... le survivant pourra les poursuivre.

II.2- La relation de causalité entre le décès et le service

Dans tous les domaines, une fois établis un fait de service et une infirmité imputable à ce fait, reste encore à démontrer que l'affection terminale résulte de cette infirmité.

Cela revient à établir l'existence d'un « lien de cause à effet direct, certain et déterminant entre, d'une part, les infirmités pensionnées, et, d'autre part, le décès lui-même ou l'affection terminale ; la preuve de ce lien direct, certain et déterminant ne saurait résulter d'une cause seulement favorisante ou déclenchante, d'une probabilité même forte, d'une vraisemblance ou d'une simple hypothèse médicale, ni du fait que, sans l'existence des infirmités pensionnées, le mari ne serait pas alors décédé ou que sa mort aurait été retardée » (CSCP n°28769 du 18 mars 1981).

A- Le lien direct

Il s'agit ici de principes généraux de recherche d'imputabilité concernant tant le lien avec le service, que la relation médicale entre l'infirmité imputable et l'infirmité terminale.

Comme toujours et en pareil cas, la relation accidentelle est exclue (le lien est alors indirect). Dans le même sens, la relation simplement favorisante est insuffisante.

Néanmoins, la relation n'a pas à être exclusive.

Un problème particulièrement délicat se pose en cas de suicide du pensionné.

Le code annoté « Lavauzelle » contient une très belle page sur cette question, on en extraira le passage suivant :

« Nous pensons que ceux qui pendant la guerre ont fait le sacrifice de leur existence ont droit, lorsque survient après les difficultés de la vie une heure de défaillance, à la suprême pitié de ceux qui sont leurs juges et qu'il appartient à la conscience des hommes de suppléer à la rigueur des lois. »

Beau texte certes, mais la jurisprudence, analysant le suicide comme un acte volontaire, exigeait que démonstration soit faite du lien avec le service, ou une maladie s'y rattachant (Ass. Plén. n°20280, 19 mars 1969, Rec. 174).

La décision CSCP n°32011 du 28 mars 1985, rappelle que :

« Il appartient aux ayants droit d'apporter la preuve que le suicide a eu pour cause certaine, directe et déterminante un état pathologique se rattachant lui-même au service ; qu'aucune présomption ne peut jouer en faveur des ayants droit. »

Mais le Conseil d'État a tempéré cette rigueur, en considérant notamment que le suicide peut ouvrir droit à pension, dès lors que le conjoint survivant établit que cet acte a eu pour cause déterminante l'état maladif se rattachant aux circonstances du service et, notamment, aux souffrances éprouvées du fait des infirmités pensionnées (CSCP n°39209 du 24 octobre 1997). Il faut, néanmoins, que la relation soit directe, ce qui exclut la prise en compte d'une affection étrangère au service, même si elle a été aggravée par une infirmité imputable.

Dans tous les cas, la jurisprudence considère que « le suicide, qui est un acte volontaire, n'entre pas, par lui-même, dans les cas explicitement prévus par le code susvisé pour l'ouverture du droit à pension; qu'il ne peut dès lors, en être autrement que si les intéressés établissent que le suicide a été déterminé par un état maladif qui se rattache aux circonstances de service[...] que la nécessité de faire cette preuve exclut par elle-même l'application de la présomption légale édictée par les articles L. 2 et L. 3 du code susvisé » (CSCP n°30134 du 10 février 1984).

Aujourd’hui, la nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article L. 121-2 applicable depuis le 15 juillet 2018 est-elle de nature à modifier ou assouplir la jurisprudence ?

Le suicide sur le lieu de service au moyen de son arme de service pourrait bénéficier de la présomption d'imputabilité et, donc, entraîner un renversement de la charge de la preuve ; mais cela suppose que le suicide soit alors analysé comme un « accident » au sens de l'alinéa premier de ce texte, ou comme une « blessure constatée à la suite d'un accident... en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ». Mais il est difficile, en présence d'un acte apparemment volontaire, de parler d'accident. Cet acte, s'il est délibéré, devient, par définition, détachable du service, sauf à invoquer ce qui a été dit supra concernant l'état maladif, mais alors la notion même d'accident disparaît ainsi que celle de présomption. Gageons, néanmoins, que la réalité étant toujours plus riche que toutes les hypothèses, la question se posera parfois en des termes plus subtils à propos de situations complexes.

Il est donc clair qu’établir la preuve du lien direct et déterminant entre le décès (fût-ce un suicide) et le service constitue une exigence ; ladite exigence restant soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond, le cas échéant (cf. CSCP n°36239, n°36137 du 3 juillet 1992).

Il n’existait par le passé que deux exceptions à cette règle : le cas de présomption légale prévue au profit des résistants aujourd’hui repris par l’article L. 123-11 et, le cas du militaire décédant dans le délai d’un an à dater de « son retour définitif dans ses foyers » (cf. dernier alinéa de l’article L. 45), aujourd’hui reprise par l’article L. 141-6.

Que faut-il en déduire quand la mort du militaire résulte de plusieurs causes ?

B- Le lien déterminant

La pluralité de causes conduit à rechercher la cause déterminante (CE. Ass. Plén. 10 février 1954 Rec. 90) ;

Dans cette décision de principe, le Conseil d'État retient qu'en cas de pluralité de causes :

« l'ouverture du droit à pension de veuve est alors subordonné à la condition qu'un lien direct de cause à effet existe entre la maladie antécédente et la maladie terminale ; qu'au cas où un fait étranger au service a concouru, avec une maladie antécédente imputable au service, à provoquer l'affection terminale ou l'aggravation de celle-ci, le décès ne saurait être regardé comme ouvrant droit à pension de veuve que s'il est établi que la maladie antécédente a été la cause déterminante de l'affection terminale ».

Si le principe ainsi dégagé (et toujours repris) s'inscrit parfaitement dans le cadre des dispositions concernant la recherche d'imputabilité, il est regrettable qu'il se résume souvent à la recherche de la cause prépondérante. Dans le cas de la décision citée, le pensionné souffrait de lésions pulmonaires anciennes pensionnées et, d'une cirrhose atrophique du foie, non imputable. Il est décédé de tuberculose pulmonaire. La cour avait estimé que « la part respective de chacun de ces facteurs doit être fixée à 50% ». La Haute Assemblée a considéré que ce faisant, il n'était pas établi que les troubles pulmonaires pensionnés aient été la cause déterminante de l'affection terminale.

Ce qui est déterminant n'est pas nécessairement prépondérant et vouloir apprécier le caractère déterminant de telle ou telle affection, en termes de pourcentages, apparaît bien arbitraire. Ce n'est, pourtant, pas en ce sens que la jurisprudence s'est orientée : « la seule circonstance que le décès ne serait pas survenu ou serait survenu plus tard si le mari n'avait pas été atteint de la maladie pensionnée n'est pas suffisant pour établir une telle preuve » (CSCP n°32602 du 14 février 1986 ; CSCP n°29469 du 27 mai 1981 ; CSCP n°28038 du 1^er octobre 1980 ; CSCP n°31362 du 27 juillet 1984).

En conclusion

Les principes régissant le droit à pension du conjoint ou partenaire survivant, hormis les conditions tenant à la durée de l'union et à la famille (qui sont commentées sous les articles L. 141-3 et L. 141-4), sont très voisins de ceux concernant la recherche d'imputabilité au sens des articles L. 121-1 et L. 121-2 (et suivants précités). Les particularités tenant au taux d'invalidité dont le défunt était en jouissance ou en possession et, l'interdiction faite au survivant de remettre en cause ce taux (sauf exception), sont logiques : dans la conception initiale du code, le droit à pension « de veuve » dépend des droits acquis par le défunt mari, qui était seul habilité à les faire valoir, à l'exclusion de tout autre ; cette qualité « d'ayant cause » du survivant apparaît plus importante, dans de nombreuses situations, que sa qualité « d'ayant droit ».

Rappelons, pour terminer, qu’une pension de conjoint ou partenaire survivant d’un militaire qui, s’il avait un grade, est fonction de celui-ci (cf. D. 141-5 et L. 141-17) doit toujours être expressément demandée ; que pour son point de départ il y a lieu de consulter les articles L. 153-1 ou R. 153-7 (dans le cas où le défunt n’avait qu’une PMI temporaire au moment de son décès) ; que pour connaître le montant de la pension de base, il faut consulter les articles L. 141-16, L. 141-17 et D. 141-5 ; qu’enfin, ce montant de base peut être complété par l’effet d’un supplément social ou de majorations prévus par les articles L. 141-18, L. 141-19, L. 141-20, L. 141-21, L. 141-22, L. 141-23, L. 141-24 ou, plafonné, par l’effet de l’article L. 141-25.

Ce rappel est l’occasion de souligner qu’en présence d’enfants âgés de moins de 21 ans (L. 141-8), c’est le conjoint ou partenaire survivant qui perçoit les droits à pension de l’orphelin, sous la forme d’une majoration pour enfant (cf. L. 141-23).

Enfin, rappelons que certains conjoints ou partenaires survivants, notamment ceux de militaires décédés en OPEX ou au Service de la Nation, peuvent prétendre, au titre du CPMIVG (cf. Livres 4 et 5) ou, d’autres codes (code de la défense et code des pensions civiles et militaires de retraite, essentiellement), à d’autres droits (pour eux-mêmes ou leurs enfants), qui viendront s’ajouter à cette pension « d’ayant cause ».

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